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De même que toute chose doit avoir sa raison, ainsi tout ce que nous appelons événement doit avoir une cause. Souvent la cause d’un événement nous échappe, ou nous prenons pour cause ce qui ne l’est pas ; mais, ni l’impuissance où nous nous trouvons d’appliquer le principe de causalité, ni les méprises où il nous arrive de tomber en voulant l’appliquer inconsidérément, n’ont pour résultat de nous ébranler dans notre adhésion à ce principe, conçu comme une règle absolue et nécessaire. Nous remontons d’un effet à sa cause immédiate ; cette cause, à son tour, est conçue comme effet, et ainsi de suite, sans que l’esprit conçoive, dans l’ordre des événements, et sans que l’observation puisse atteindre aucune limite à cette progression ascendante. L’effet actuel devient ou peut devenir à son tour cause d’un effet subséquent, et ainsi à l’infini. Cette chaîne indéfinie de causes et d’effets qui se succèdent, chaîne dont l’événement actuel forme un anneau, constitue essentiellement une série linéaire (25). Une infinité de séries pareilles peuvent coexister dans le temps : elles peuvent se croiser, de manière qu’un même événement, à la production duquel plusieurs événements ont concouru, tienne en qualité d’effet à plusieurs séries distinctes de causes génératrices, ou engendre à son tour plusieurs séries d’effets qui resteront distinctes et parfaitement séparées à partir du terme initial qui leur est commun. On se fait une idée juste de ce croisement et de cet isolement des chaînons par la comparaison avec les générations humaines. Un homme tient, par ses père et mère,