est une institution généralement plus féconde que la formation de signes nouveaux. Ainsi l'invention d'une forme syntaxique aussi ingénieuse que simple produit tous les avantages attachés à l'emploi de notre arithmétique; ainsi la clarté des modernes nomenclatures chimiques tient au système d'association des mots radicaux, lequel met en évidence, dans l'expression de chaque corps composé, la présence des radicaux chimiques constituants et leur mode d'association dans le composé, tel du moins que nous le concevons.
211. — Il faut d'ailleurs considérer que le langage n'est pas seulement employé comme signe immédiat de la pensée (son utilité serait alors bien restreinte), mais qu'il l'est encore comme signe médiat, en tant qu'il évoque d'autres signes mieux appropriés à l'expression immédiate de la pensée. En effet, qu'appelle-t-on le langage figuré? Ce n'est pas uniquement, comme les rhéteurs ont pu le croire, un moyen de frapper la sensibilité, d'émouvoir les passions par des images; car, s'il en était ainsi, quand on s'adresse à la froide raison, quand on parle à l'entendement de choses purement intelligibles, toutes figures devraient disparaître. Et pourtant il est facile de s'apercevoir que le langage des philosophes n'est pas moins figuré que celui des orateurs et des poètes. Sans cesse ils procèdent par comparaison avec les objets sensibles, et ceux qui ont voulu en faire un sujet de reproches à leurs devanciers sont tombés à leur tour dans cette faute, si c'en est une. Mais, loin que ce soit une faute, c'est l'artifice fécond à l'aide duquel nous remédions aux défectuosités natives du langage, et le faisons concourir indirectement à la représentation d'idées abstraites auxquelles il ne pourrait pas directement s'adapter. Puisque c'est la loi fondamentale de l'esprit humain qu'il ne puisse s'élever à la conception de l'intelligible qu'en s'appuyant sur des signes sensibles, dès que le langage, en lui-même, cesse d'être approprié à la représentation de l'intelligible, il faut bien que nous appelions d'autres signes à notre aide. Ces signes, nous les choisissons parmi les phénomènes du monde extérieur et parmi ceux qui se passent en nous-mêmes. Nous les choisissons surtout, d'une part, parmi les phénomènes d'étendue et de mouvement, parce que ce