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un si puissant instrument, a changé la face des mathématiques pures et appliquées, et constitue à lui seul une invention capitale, dont l’honneur revient sans partage à ce grand philosophe.

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L’approximation méthodique et indéfinie du continu par le discontinu n’est pas seulement possible quand il s’agit proprement de rapports entre des grandeurs : elle s’adapte également bien aux rapports de situation et de configuration dans l’espace, qui d’ailleurs jouissent de la propriété de pouvoir être implicitement définis au moyen de relations entre des grandeurs. Ainsi, que l’on ait ou non égard à la longueur d’une courbe et à l’étendue de la surface qu’elle circonscrit, on en déterminera, avec une approximation illimitée, l’allure, les inflexions, les sinuosités (en un mot, tous les accidents qui tiennent directement à la forme et non à la grandeur), si l’on a des procédés rigoureux pour déterminer autant de points de la courbe qu’il plaît d’en choisir, et si ces points peuvent être indéfiniment rapprochés les uns des autres. À la vérité, lorsqu’on voudra relier par un trait continu ces points isolément déterminés, la main du dessinateur sera guidée par un sentiment de la continuité des formes, qui ne saurait se traduire en règles fixes, et qui ne comporte pas une analyse rigoureuse ; ce sera une affaire d’art et non de méthode : mais, plus les points de repère seront rapprochés, plus on resserrera les limites d’écart entre les dessins divers que diverses mains traceraient, selon qu’elles sont plus fermes et plus habiles, ou qu’elles obéissent à une intelligence douée d’une perception plus nette et plus sûre de la continuité des formes (46 et 181). Chacun connaît le procédé pour copier un dessin ou une image à deux dimensions, en en conservant ou en en changeant l’échelle. On décompose en carreaux correspondants la surface du modèle et celle qui doit recevoir la copie, et l’on copie carreau par carreau, de manière à resserrer les écarts possibles de la copie entre des limites d’autant plus rapprochées que les carreaux ont été plus multipliés, et à diminuer de plus en plus par cette méthode la part laissée à l’habileté et au goût de l’artiste, à la netteté de ses perceptions et à la sûreté de sa main. Les praticiens statuaires