Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/319

Cette page n’a pas encore été corrigée

grandes pensées ou théories mathématiques ; et il tirait de l’une comme de l’autre des expressions symboliques, singulièrement propres, chacune à sa manière, à soutenir l’esprit humain dans l’enquête de vérités plus cachées, de rapports encore plus généraux et plus abstraits. L’invention de Descartes devait surtout préparer la troisième découverte capitale que nous signalons : celle du calcul infinitésimal, destiné à remplacer les méthodes compliquées et indirectes, fondées sur la réduction à l’absurde, ou sur la considération des limites. La méthode dite des limites consiste à supposer d’abord une discontinuité fictive dans les choses soumises réellement à la loi de continuité ; à substituer, par exemple, un polygone à une courbe, une succession de chocs brusques à l’action d’une force qui agit sans intermittences ; puis à chercher les limites dont les résultats obtenus s’approchent sans cesse, quand on assujettit les changements brusques à se succéder au bout d’intervalles de plus en plus petits, et par conséquent à devenir individuellement de plus en plus petits, puisque la variation totale doit rester constante. Les limites trouvées sont précisément les valeurs qui conviennent dans le cas d’une variation continue ; et ces valeurs se trouvent ainsi déterminées d’après un procédé rigoureux, quoique indirect, puisque ce passage du discontinu au continu n’est pas fondé sur la nature des choses, et n’est qu’un artifice logique, approprié à nos moyens de démonstration et de calcul. La complication de cet échafaudage artificiel entravait les progrès des sciences, lorsque Newton et Leibnitz imaginèrent de fixer directement la vue de l’esprit à l’aide de notations convenables : l’un, sur l’inégale rapidité avec laquelle les grandeurs continues tendent à varier, tandis que d’autres grandeurs dont elles dépendent subissent des variations uniformes ; l’autre, sur les rapports entre les variations élémentaires et infiniment petites de diverses grandeurs dépendant les unes des autres, rapports dont la loi contient la vraie raison de la marche que suivent les variations de ces mêmes grandeurs, telles que nous les pouvons observer au bout d’un intervalle fini. De là le calcul infinitésimal, dont la vertu propre est de saisir directement le fait de la continuité dans la variation des grandeurs ;