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prête dans ses variations continues à des procédés réguliers de détermination que nulle autre qualité ne comporte ; et de plus, dans l’état de nos connaissances, il est loisible de concevoir que la continuité de toute variation qualitative est une suite nécessaire de la continuité inhérente à des variations quantitatives dont les autres dépendent. Sans doute, les variations avec continuité qualitative dépendent en outre d’autres principes dont l’action, en s’appliquant aux formes de l’espace et de la durée, imprime à chacune de ces variations son cachet spécifique ; et il se peut (189) que ces éléments soient eux-mêmes susceptibles de variation continue, non quantitative ou mesurable, et tout à fait indépendante de la variation quantitative inhérente aux formes de l’espace et de la durée : de sorte que la continuité qualitative dans les variations subordonnées ne proviendrait pas uniquement d’une continuité quantitative dans certaines données primordiales. Cela est même (si l’on veut) probable, mais non démontrable ; et nous ne sommes pas obligé, pour notre but, de nous arrêter à la discussion de cette hypothèse.

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Selon les circonstances, une variation en quantité peut être conçue comme la cause ou comme l’effet d’une variation en qualité ; mais, dans l’un ou l’autre cas, l’esprit humain tend, autant qu’il dépend de lui, à ramener à une variation de quantité (pour laquelle il a des procédés réguliers de détermination et d’expression) toute variation dans les qualités des choses. Par exemple, il serait presque toujours impossible de soumettre à une mesure les agréments et les jouissances, ou les incommodités et les inconvénients attachés à la consommation de telle nature de denrée, à la possession de telle nature de propriété, par comparaison avec les avantages ou les inconvénients attachés à la consommation d’une autre denrée, à la possession d’une propriété d’une autre nature. Tout cela influe d’abord très-irrégulièrement sur le débat qui s’établit entre le vendeur et l’acheteur ; puis bientôt, lorsque les transactions sont nombreuses et fréquemment répétées, elles s’influencent mutuellement : un prix courant s’établit, et une grandeur très-mesurable, à savoir, la valeur vénale d’un immeuble, d’une denrée, d’un service, se trouve dépendre de qualités