Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée

ou infini ; et il en est de même du temps qui s’écoule pendant le passage des corps d’un lieu à l’autre. Toutes les grandeurs géométriques, les longueurs, les aires, les volumes, les angles, sont qualifiées de grandeurs continues, parce qu’elles ont évidemment la propriété de croître ou de décroître avec continuité ; il en est de même des grandeurs que l’on considère en mécanique, telles que la vitesse, la force, la résistance. En général, lorsqu’une grandeur physique varie en raison de l’écoulement du temps ou seulement à cause des changements de distance entre des molécules ou des systèmes matériels, ou par l’effet de l’écoulement du temps combiné avec la variation des distances, il répugne qu’elle passe d’une valeur déterminée à une autre sans prendre dans l’intervalle toutes les valeurs intermédiaires. Mais, dans l’état d’imperfection de nos connaissances sur la constitution des milieux matériels, on est autorisé à admettre pour certaines grandeurs physiques, telles que nous les pouvons concevoir et définir, des solutions de continuité résultant du passage brusque d’une valeur finie à une autre. Ainsi, quand deux liquides hétérogènes, tels que l’eau et le Mercure, sont superposés, nous regardons la densité comme une grandeur qui varie brusquement à la surface de contact des deux liquides : bien que toutes les inductions nous portent à croire, et qu’il soit philosophique d’admettre que la solution de continuité disparaîtrait si nous nous rendions complètement compte de la structure des liquides et de toutes les modifications qui ont lieu au voisinage de la surface de contact. Déjà les physiciens et les géomètres n’admettent plus l’existence de ces forces que l’on qualifiait de discontinues, et auxquelles on attribuait la vertu de changer brusquement la direction du mouvement d’un corps et de lui faire acquérir ou perdre une vitesse finie dans un instant indivisible. On reconnaît généralement que les forces dont il s’agit, et qui se développent, par exemple, à l’occasion du choc de deux corps, ne sont point hétérogènes aux autres forces de la nature, telles que la pesanteur, qui ont besoin d’un temps fini pour produire un effet fini. Les forces que l’on appelait jadis discontinues ne sont plus aujourd’hui distinguées