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même. Il n’y a nulle distinction à faire à cet égard entre les deux sens supérieurs de la vue et de l’ouïe, et les sens inférieurs du goût et de l’odorat. Mais, si l’oreille perçoit une succession de tons divers ou si l’œil est frappé par un assortiment de couleurs, alors se montrent des harmonies et des contrastes fondés, comme la physique nous l’apprend, non point sur des particularités d’organisation variables avec les individus, ni même sur des caractères anatomiques ou physiologiques propres à l’espèce, mais sur la nature même des phénomènes dont la perception nous arrive par les sens de l’ouïe et de la vue  ; ce qui explique assez pourquoi la notion du beau s’unit aux sensations que nous procurent ces deux sens supérieurs, tandis qu’elle ne s’associe jamais aux sensations de saveur et d’odeur. En conséquence, il dépendra du goût individuel de préférer les brillantes couleurs d’un peintre flamand aux teintes sombres d’une toile espagnole, selon que les unes ou les autres seront plus en harmonie avec l’état des nerfs et les dispositions de l’âme ; il y aura, pour ainsi dire, un diapason chromatique qui changera d’un maître à l’autre et d’une école à l’autre ; mais, quelle que soit l’influence du maître ou de l’école sur le ton général du coloris, il faudra que les mêmes règles président aux relations des couleurs entre elles, à leur harmonie et à leur contraste, et l’observation de ces règles constituera la beauté ou la perfection du coloris dans tous les systèmes ; de même qu’il y a une perfection et une beauté dans un air de musique, qui tient essentiellement à la mélodie, c’est-à-dire à la succession des sons et à leurs intervalles