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nature même des divers objets offerts aux regards de l’homme, et qui tient à ce que certains types spécifiques, comparés à d’autres, réunissent foncièrement à un degré plus éminent les conditions de la perfection et de la beauté idéale. En effet, pourquoi ne pourrait-on pas dire des espèces du même genre ce qu’on dit avec fondement des individus de la même espèce ? Il est vrai que nous connaissons encore moins les causes qui ont modifié les caractères fondamentaux du genre, de manière à particulariser les espèces, que nous ne connaissons celles qui tous les jours modifient les caractères fondamentaux de l’espèce ou de la race, de manière à produire les variétés individuelles ; mais cette ignorance où nous sommes ne nous empêche pas d’apercevoir très-bien, dans un cas comme dans l’autre, la subordination des causes modificatrices et accessoires, aux causes d’où résulte la détermination des caractères fondamentaux. Aussi n’y a-t-il pas de naturaliste qui, dans chacun de ces genres qu’on appelle naturels, parce que la parenté des espèces y est fortement marquée, tel que serait par exemple le genre Felis, ne signale une espèce, telle que le lion, qui est, comme on dit, le type du genre, c’est-à-dire où se trouvent réunis, plus excellemment que dans aucune autre, les caractères distinctifs du genre, et que pour cette raison, clairement saisie ou confusément perçue, on trouvera belle entre toutes les autres, sans qu’il entre rien d’arbitraire dans un pareil jugement. On peut remonter plus haut dans cette progression hiérarchique : et le type du genre Felis sera aussi le type de l’ordre des mammifères carnassiers, si le genre en question est celui où se trouvent à leur summum de développement, de puissance, d’harmonie, et de perfection les caractères essentiels du mammifère carnassier. Car l’harmonie, sans laquelle aucune des œuvres de la nature ne saurait subsister, ne se montre pas à nous sous des traits aussi marqués, et n’existe réellement pas au même degré dans toutes les œuvres de la nature. Il peut y avoir et il y a des imperfections compatibles avec les conditions de l’existence des individus et de la perpétuité des espèces. Parmi des types fortement accusés peuvent se rencontrer et se rencontrent des formes intermédiaires, indécises, ébauches imparfaites ou modèles