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jamais elles ne se confondent entièrement, ni ne se détruisent. L’honneur, dans le temps de son plus grand pouvoir, régit la volonté plus que la croyance, et les hommes, alors même qu’ils se soumettent sans hésitation et sans murmure à ses commandements, sentent encore, par une sorte d’instinct obscur, mais puissant, qu’il existe une loi plus générale, plus ancienne et plus sainte, à laquelle ils désobéissent quelquefois sans cesser de la connaître. Il y a des actions qui ont été jugées à la fois honnêtes et déshonorantes. Le refus d’un duel a souvent été dans ce cas. L’auteur montre ensuite, avec beaucoup de sagacité, comment les idées d’honneur, propres à certains pays, à certaines professions ou à certaines castes, sont déterminées par des besoins ou par des exigences qui tiennent à la constitution même des pays, de la profession ou de la caste ; de sorte que ces idées ont d’autant plus de singularité et d’empire, qu’elles correspondent à des besoins plus particuliers et ressentis par un plus petit nombre d’hommes, et vont au contraire en s’affaiblissant à mesure que les rangs se confondent et que les populations se mélangent. D’où l’auteur conclut enfin que : « s’il était permis de supposer que toutes les races se confondissent et que tous les peuples du monde en vinssent à ce point d’avoir les mêmes intérêts, les mêmes besoins, et de ne plus se distinguer les uns des autres par aucun trait caractéristique, on cesserait entièrement d’attribuer une valeur conventionnelle aux actions humaines ; tous les envisageraient sous le même jour ; les besoins généraux de l’humanité, que la conscience révèle à chaque homme, seraient la commune mesure. Alors, on ne rencontrerait plus dans ce monde que les simples et générales notions du bien et du mal, auxquelles s’attacheraient, par un lien naturel et nécessaire, les idées de louange ou de blâme. » Mais, dans cette supposition extrême, il ne serait pas encore permis, d’après les principes mêmes de l’auteur, de considérer les règles de la morale universelle, appropriées aux besoins généraux de l’humanité, comme une sorte de résultante ou de moyenne entre les règles d’honneur ou de morale particulière, propres à certaines agrégations d’hommes et adaptées à leurs besoins spéciaux. Car la simple fusion