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l’origine et le point de départ, et de juger du principe par les conséquences, par le trouble qu’il a produit, et les interminables contradictions qu’il a soulevées. L’origine de toutes ces disputes est dans les fondements mêmes de la doctrine péripatéticienne, et dans le rôle qu’Aristote fait jouer à l’idée de substance, en la plaçant en tête de ses catégories et en y subordonnant toutes les autres. La substance, selon cette doctrine, est la réalité ou l’être par excellence, et toutes les autres catégories n’ont de réalité qu’en tant qu’elles désignent les affections ou les manières d’être d’une substance. D’un autre côté, la substance figure au sommet de l’échelle des classifications ou des degrés métaphysiques : l’oiseau est animal, l’animal est corps, le corps est substance. Or, si les deux termes extrêmes de la série hiérarchique des genres et des espèces, des classes ou des degrés métaphysiques, savoir l’individu et la substance, sont choses auxquelles on ne peut refuser la réalité et la plénitude de l’être, il y a lieu d’en conclure que la réalité subsiste aux degrés intermédiaires, et que la différence de l’un à l’autre, ou ce qu’il faut ajouter à l’un pour constituer l’autre, est une réalité. Ainsi la corporéité s’ajoute à la substance pour constituer le corps, l’animalité s’ajoute à la corporéité et à la substance pour constituer l’animal, et ainsi de suite jusqu’à l’individu qui réunit en lui les essences constitutives de l’espèce et des genres supérieurs, jointes aux accidents qui le caractérisent individuellement. Tel est le fond du réalisme péripatéticien, et c’est sur ce fond d’idées qu’ont roulé principalement les controverses des lettrés du moyen âge. Ecoutons là-dessus M Cousin : « Le principe de l’école réaliste est la distinction en chaque chose d’un élément général et d’un élément particulier. Ici les deux extrémités également fausses sont ces deux hypothèses : ou la distinction de l’élément général et de l’élément particulier portée jusqu’à leur séparation, ou leur non-séparation portée jusqu’à l’abolition de leur différence, et la vérité est que ces deux éléments sont à la fois distincts et inséparablement unis. Toute réalité est double… le