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qui sont le fondement de l’association spécifique ou générique, dominent et dépassent de beaucoup en importance les caractères accidentels ou particuliers qui distinguent les uns des autres les individus ou les espèces inférieures. Enfin, comme il y a des degrés dans cette domination et dans cette supériorité des caractères les uns par rapport aux autres, il doit arriver et il arrive que des genres nous apparaissent comme plus naturels que d’autres, et que les classifications auxquelles nous sommes dans tous les cas obligés d’avoir recours pour le besoin de nos études, offrent le plus souvent un mélange d’abstractions naturelles et d’abstractions artificielles, sans qu’il soit facile ni même possible de marquer nettement le passage des unes aux autres. Un exemple physique, où le mot de groupe sera pris dans son acception matérielle, préparera peut-être mieux à l’intelligence de ces rapports abstraits entre les groupes que la pensée conçoit sous les noms de genre et d’espèces.

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On sait que les astronomes ont groupé les étoiles par constellations, soit d’après de vieilles traditions mythologiques, soit par imitation, ou dans un but de commodité pratique, bien ou mal entendue, pour la portion de la sphère étoilée, inconnue à l’antiquité classique. Voilà des groupes manifestement artificiels, où les objets individuels se trouvent associés, non selon leurs vrais rapports de grandeurs, de distances ou de propriétés physiques, mais parce qu’ils se trouvent fortuitement à notre égard sur les prolongements de rayons visuels peu inclinés les uns sur les autres. Supposons maintenant qu’on observe au télescope, comme l’a fait Herschell, certains espaces très-petits de la sphère céleste, espaces bien isolés et bien distincts, où des étoiles du même ordre de grandeur (ou plutôt de petitesse) apparente se trouvent accumulées par myriades : on n’hésitera pas à admettre que ces étoiles forment autant de groupes naturels ou de systèmes particuliers ; quoique nous n’ayons que peu ou point de renseignements sur la nature et l’origine de leurs rapports systématiques. On ne sera pas tenté d’attribuer cette accumulation apparente à une illusion d’optique et à un hasard singulier qui aurait ainsi rapproché les rayons visuels qui vont de notre œil à toutes ces étoiles ; tandis qu’en réalité les étoiles d’un même groupe seraient