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les propriétés optiques des corps, remarquera que les surfaces métalliques, même non polies, réfléchissent toujours plus ou moins abondamment, à la manière d’un miroir, la lumière blanche qui les éclaire, et que cette lumière blanche, ainsi réfléchie spéculairement, s’ajoute (de manière à en masquer la véritable teinte) à la lumière qui a pénétré tant soit peu entre les particules du corps, et qui dans ce trajet a subi l’action singulière par laquelle les particules matérielles, selon la nature du corps, éteignent de préférence les rayons d’une certaine couleur, renvoient de préférence les rayons d’une autre couleur, ce qui est le vrai fondement de la couleur propre des corps. En poursuivant cette idée, en dégageant le phénomène de la couleur propre des corps d’un autre phénomène qui le complique, celui de la réflexion spéculaire, le physicien dont nous parlons constatera que la teinte jaune du morceau de métal peut résulter de l’action combinée de rayons de lumière blanche réfléchie spéculairement, et de rayons pourpres qui ont subi l’action moléculaire que l’on vient d’indiquer. Il remarquera que la lumière, vue par transmission à travers une mince feuille d’or, est effectivement colorée en pourpre ; que de l’or métallique, obtenu en poudre impalpable dans un précipité chimique, est aussi de couleur pourpre ; et il en conclura, contre l’opinion commune, que le pourpre est vraiment la couleur propre de l’or. Il aura fait un pas de plus dans l’investigation de la réalité que contient le phénomène : il aura franchi un terme de plus dans cette série dont le dernier terme, reculé ou non à l’infini, accessible ou inaccessible pour nous, serait la réalité absolue.

Au point où nous en sommes, il est bien sûr que l’esprit du physicien ne se tient point pour satisfait ; que non seulement il ne se flatte pas d’avoir saisi la réalité absolue sous l’apparence phénoménale, mais qu’il ne regarde nullement comme impossible de pénétrer plus avant dans la raison intrinsèque, dans le fondement réel de tout cet ordre de phénomènes que l’on qualifie d’optiques, et dont la première notion, la plus empreinte des conditions propres à notre organisme, nous est donnée par la sensation d’une étendue colorée. En vertu d’une loi de l’entendement humain, dont nous aurons à parler ailleurs, il sera invinciblement porté à chercher la raison de tous ces phénomènes dans des rapports de configuration et de