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de cette série d’affections et de phénomènes internes qui durent et qui se succèdent en nous. Les deux idées fondamentales de l’espace et du temps ne sont donc pas seulement des éléments de la connaissance du monde extérieur : elles outrepassent cette connaissance ; et c’est sous ce rapport que nous les envisageons ici. Elles se manifestent à l’intelligence avec un caractère de nécessité dans leur objet que n’ont pas les autres idées par le moyen desquelles nous concevons le monde extérieur. Sur les idées de l’espace et du temps, conçues avec ce caractère de nécessité qui s’impose à l’esprit humain, reposent des sciences susceptibles d’une construction a priori, qui n’empruntent rien à l’expérience ; qui sont indépendantes de la considération des phénomènes du monde extérieur ; dans l’étude desquelles les images empruntées au monde extérieur n’interviennent que pour aider le travail de l’esprit (110), sans laisser de traces dans le corps de la doctrine. Ce caractère de nécessité est-il apparent ou réel ? Tient-il à la nature des choses ou à celle de l’esprit humain ? Les idées de l’espace et du temps ne sont-elles que des manières de voir de l’esprit, des lois de sa constitution ? Ont-elles au contraire une valeur représentative, objective ; et dans ce cas que représentent-elles ? Il n’y a pas de système philosophique dont la réponse à ces questions ne soit en quelque sorte la clé ; pas de question philosophique d’un grand intérêt qui n’aboutisse par quelque point aux questions que soulèvent ces idées fondamentales. Que ces questions puissent être résolues ou qu’elles surpassent les forces de la raison ; que les discussions des philosophes les aient éclairées ou obscurcies ; ce n’est pas encore ce que nous voulons examiner : ce qui nous semble devoir passer pour un résultat clair, acquis à la discussion, c’est la parfaite analogie, la symétrie rigoureuse que toutes ces questions présentent, en ce qui concerne l’espace et en ce qui concerne le temps ; de manière que la solution donnée ou acceptée pour l’une des idées fondamentales, soit par cela même donnée ou acceptée pour l’autre, dans toutes les écoles et dans tous les systèmes.

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Ainsi, quand Newton et Clarke admettent dans toute sa plénitude la valeur représentative de l’idée du temps, ils sont conduits à l’admettre pour l’idée de l’espace. Ni l’espace,