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L’instinct qui pousse l’oiseau à ramasser les matériaux de son nid est en rapport avec les fonctions qu’il remplira plus tard en propageant son espèce : l’instinct de l’animal économe est en rapport avec la situation où il doit se trouver quand viendra le temps de l’hibernation, et ainsi de suite. De là un contraste saillant de caractères et de méthodes, lorsque l’on passe, des sciences qui ont pour objet les propriétés des corps inorganiques, à celles qui traitent de la nature vivante. C’est par la décomposition ou l’analyse des phénomènes complexes, que l’on arrive en physique à trouver l’ordre et l’unité ; et plus la réduction analytique est avancée, mieux on voit les phénomènes s’enchaîner suivant un ordre systématique et régulier. Au contraire, la nature vivante tend par la complication de l’organisme au perfectionnement de l’harmonie et de l’unité, ou de l’individualité, en même temps qu’à la fixité des déterminations ou de la caractéristique. Ainsi, dans l’ordre des phénomènes chimiques, nous trouvons que les combinaisons se distinguent les unes des autres par des caractères d’autant plus tranchés, ou par des propriétés d’autant plus énergiques et contrastantes, qu’elles sont moins complexes : tandis que les êtres les plus élevés dans l’échelle de l’organisation sont pour nous les plus faciles à étudier et à classer, en ce que les appareils organiques y sont plus distincts et les fonctions mieux déterminées, en même temps que le lien d’unité qui les coordonne se prononce plus nettement. On ne débuterait pas dans l’enseignement de la botanique par l’étude des algues et des lichens, ou dans l’enseignement de la zoologie par l’étude des éponges et des polypes. On sent au contraire la convenance d’étudier d’abord un type dans lequel l’organisation, soit animale, soit végétale, ait atteint son plus haut degré de complication aussi bien que de perfectionnement, pour rapporter ensuite à ce type les organisations inférieures, en tenant compte des dégradations successives ; en signalant à chaque pas la simplification des appareils, la décentralisation des fonctions et l’oblitération des caractères distinctifs, jusqu’à ce que l’on soit arrivé aux fonctions les plus rudimentaires, aux êtres que l’on est fondé à regarder comme les premières ébauches de la puissance créatrice (97). À la vérité, s’il s’agit, non plus de décrire et de classer les êtres, les organes et les fonctions, mais de saisir des analogies,