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il s’arme pour cela de verres d’un grossissement suffisant. En définitive (et c’est là le point sur lequel nous voulons insister ici), ces forces mystérieuses et irréductibles nous apparaissent comme étant subordonnées les unes aux autres dans leurs manifestations. La loi hiérarchique est évidente : nous voyons constamment des phénomènes plus particuliers, plus complexes, et qui, dans leur particularité et leur complexité croissantes, impliquent l’idée d’un plus haut degré de perfectionnement, s’enter sur des phénomènes plus généraux, plus simples, plus constants, et qui, par leur généralité et leur fixité relatives, nous semblent participer à un plus haut degré à la réalité substantielle. De là, suivant la tournure des intelligences, un penchant à apprécier l’importance d’un ordre de phénomènes par le degré d’élévation et de perfectionnement, ou au contraire par le degré de généralité et de fixité. Ces deux penchants contraires sont ce qu’il y a de vraiment caractéristique dans l’antagonisme des tendances spiritualistes et matérialistes : tendances que l’on peut remarquer chez ceux mêmes qui font profession d’ignorer absolument ce que c’est que l’essence de la matière et l’essence de l’âme, et qui ne subordonnent pas l’étude des lois de la nature à des systèmes ontologiques sur les choses qui passent tous nos moyens de connaître.

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Dans l’étude de la nature vivante, une question générale plane sur toutes les autres : faut-il regarder les fonctions vitales comme le résultat et l’effet de l’organisation, ou bien l’organisation est-elle le résultat et l’effet des forces vitales et plastiques ? L’esprit humain tourne fatalement dans ce cercle, parce qu’il lui est également impossible de concevoir que l’organisation précède la vie, et que la vie précède l’organisation, sinon dans le temps, du moins en puissance. Il n’y a pas moyen de concevoir la vie comme antérieure à l’organisation ; car où serait le substratum des forces vitales et plastiques, tant que l’organisme n’existe pas ? D’autre part, il est déraisonnable et contraire à toutes les observations d’admettre que l’organisation produise la vie : car on distingue nettement les propriétés vitales des tissus d’avec leurs propriétés mécaniques, physiques ou chimiques, lesquelles subsistent après que la vie s’est éteinte, ou l’état du germe simplement organisé d’avec l’état du germe vivifié par la fécondation. D’ailleurs