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particulière, et qui fait que ces particules, séparées les unes des autres, agissent pourtant toutes les unes sur les autres : mais, de cette hypothèse est sortie, grâce au génie de cet homme illustre et de ses successeurs, l’explication la plus complète des plus grands et des plus beaux phénomènes de l’univers. La simplicité de la loi du décroissement de la force par l’accroissement de la distance, la raison géométrique qu’on peut assigner à cette loi, tout concourt à nous la faire regarder comme une loi fondamentale de la nature : et ceci s’applique également à d’autres forces qui jouent un rôle dans l’explication des phénomènes physiques, et qui suivent la même loi que la gravitation newtonienne. Mais les théories des physiciens modernes n’ont plus le même caractère, lorsqu’il s’agit pour eux d’expliquer, en partant toujours de l’idée d’une action à distance entre des particules disjointes, les phénomènes que les corps nous présentent dans leur structure intime et moléculaire. Alors ils imaginent des forces dont la sphère d’action ne s’étend qu’à des distances insensibles pour nous, et comprend néanmoins un nombre comme infini de molécules : ce sont là (115) les deux nouveaux postulats sans lesquels deviendrait impossible toute tentative d’explication des phénomènes moléculaires au moyen des principes de la mécanique rationnelle, c’est-à-dire au moyen des notions de masse et d’action à distance, combinées avec les théorèmes de la géométrie. Toutefois il s’en faut bien qu’à la faveur même de ces postulats, les essais des géomètres et des physiciens aient abouti à une théorie comparable à celle de la gravitation universelle, expliquant tous les phénomènes observés, et devançant souvent les résultats de l’observation.

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Si l’on considère notamment, parmi les phénomènes moléculaires, ceux qui font l’objet de la chimie, on voit que les théories chimiques sont parfaitement indépendantes de toute hypothèse à l’aide de laquelle on voudrait donner, par la mécanique, une explication de ces phénomènes. Les progrès de la mécanique n’ont point contribué à avancer la chimie, et les progrès de la chimie n’ont nullement réagi sur la mécanique. Il ne serait même pas difficile de montrer que les phénomènes chimiques répugnent, par tous leurs caractères, à une explication qui prendrait sa