de force, en l’assimilant aux qualités occultes de l’ancienne scolastique ; et le fond de sa doctrine consistait à vouloir tout expliquer au moyen de corpuscules, les uns plus grossiers ou de plus grandes dimensions, les autres plus petits ou plus subtils, qui, dans leurs mouvements, se déplaçaient nécessairement les uns les autres, en vertu de leur impénétrabilité : comme si l’impénétrabilité et la mobilité d’une portion circonscrite de l’étendue n’étaient pas aussi des qualités occultes ou inexplicables, et dont nous ne nous faisons une idée, vraie ou fausse, qu’à la faveur d’un phénomène complexe et inexpliqué, celui de la constitution des corps solides qui tombent sous nos sens. À la vérité, si l’on admet, d’une part des molécules solides et impénétrables, d’autre part des forces par lesquelles ces molécules agissent à distance les unes sur les autres, sans l’intermédiaire de liens matériels formés d’autres corpuscules contigus et impénétrables, on fait deux hypothèses au lieu d’une, on confesse deux mystères au lieu d’un, et il ne faut pas accroître sans nécessité le nombre des mystères ou des faits primitifs et irréductibles : mais il est clair et nous avons déjà montré que, l’action à distance une fois admise, l’étendue, la figure et l’impénétrabilité des atomes ou des molécules élémentaires n’entrent plus pour rien dans l’explication des phénomènes, et ne servent plus que de soutien à l’imagination ; de sorte qu’en réalité il n’intervient, dans la physique newtonienne qui est celle de toutes les écoles contemporaines, comme dans la physique cartésienne depuis longtemps passée de mode, qu’un seul principe hypothétique de toutes les explications doctrinales, soit la notion de la force ou de l’action à distance, soit la notion de la communication du mouvement par le contact, en vertu de l’impénétrabilité des molécules contiguës.
122
Ce n’est que par l’épreuve, c’est-à-dire par l’application effective d’un principe à l’enchaînement rigoureux et mathématique des faits naturels, que l’on peut juger de la valeur du principe. Newton a eu la gloire de soumettre à une telle épreuve, et de la manière la plus décisive, l’idée de force ou d’action à distance. Il faisait, quoi qu’il en ait dit, une hypothèse et même des plus hardies, en imaginant dans toutes les particules de la matière pondérable une force dont la pesanteur des corps terrestres n’est qu’une manifestation