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partie des conditions de la vie fœtale, à savoir l’immersion dans un milieu liquide, sans contact habituel avec des corps qui n’ont point, il est vrai, cette absolue dureté où cette solidité idéale que nous attribuons sans fondement aux molécules élémentaires, mais qui néanmoins se rapprochent plus de l’état de rigidité ou de solidité parfaite, que de tout autre état idéal. Mais, dira-t-on, l’impénétrabilité n’est pas la rigidité ; et un corps, pour être liquide, n’en est pas moins impénétrable, en ce sens que, si la masse est pénétrée par l’écartement des parties, les parties mêmes ne le sont pas. Sans doute ces atomes qui ne peuvent jamais arriver au contact, peuvent encore moins se pénétrer ; et c’est précisément pour cela que la raison n’a aucun motif d’admettre, en ce qui les concerne, une prétendue qualité essentielle ou fondamentale, laquelle serait au contraire une qualité inutile et oiseuse, qui n’entrerait ni ne pourrait jamais entrer en action. Ou l’impénétrabilité des molécules atomiques n’est autre chose que leur mobilité et leur déplacement effectif par l’action répulsive qu’exercent à distance les autres molécules, et alors il n’en faut pas faire une qualité première, distincte de la mobilité : ou bien c’est une qualité distincte, mais qui ne se manifeste jamais, qui ne joue aucun rôle dans l’explication des phénomènes, et que nous affirmons sans fondement.

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Il en faut dire autant de l’étendue, considérée, non pas comme le lieu des corps, mais comme une qualité des corps. Sans doute les corps qui tombent sous nos sens nous donnent l’idée d’une portion d’étendue continue, figurée et limitée ; mais ce n’est là qu’une fausse apparence ou une illusion. De même que les taches blanchâtres et en apparence continues de la voie lactée se résolvent dans un puissant télescope, en un amas de points lumineux distincts, et de dimensions absolument inappréciables, de même des expériences concluantes résolvent le fantôme d’un corps étendu, continu et figuré en un système d’atomes ou de particules infinitésimales, auxquelles, il est vrai, les lois de notre imagination nous obligent d’attribuer une figure et des dimensions, mais sans qu’il y ait à cela aucun fondement rationnel, puisque toutes les explications qu’on a pu donner des phénomènes physiques, chimiques, etc., sont indépendantes des hypothèses qu’on pourrait faire sur les figures et les dimensions, absolues ou relatives,