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d’être privés des moyens de se conserver et de commercer avec le monde extérieur : il est constitué dans son essence, sinon dans ses perfectionnements spécifiques et individuels, par ce qu’il y a de plus fondamental dans le type de l’animalité. La conséquence qu’on en doit naturellement tirer, c’est que d’autres sens, ou un surcroît de perfectionnement des sens que nous possédons, aideraient au progrès de nos connaissances, comme le font la découverte d’un nouveau réactif ou d’un instrument nouveau, et vraisemblablement nous mettraient sur la trace de phénomènes dont nous ne soupçonnons pas actuellement, dont peut-être on ne soupçonnera jamais l’existence ; mais sans changer pour nous les conditions formelles de la représentation et de la connaissance des phénomènes : de manière à modifier nos théories actuelles dans ce qu’elles ont de conjectural, et dans ce qui dépasse l’observation, mais non dans ce qui n’est que la pure coordination des faits observés. Nous n’entendons pas donner ceci pour une démonstration, ni même pour une induction de l’ordre de celles auxquelles la raison ne peut s’empêcher de céder, mais pour une induction très-probable à laquelle on a de bons motifs d’acquiescer ; non pas de ces motifs qui tiennent à la routine ou à l’habitude aveugle, mais de ceux qui ressortent d’une analyse raisonnée des faits observables. Lors donc qu’on nous parlera de certains états nerveux où les conditions organiques de la sensibilité semblent bouleversées ; où certains sens seraient suspendus, tandis que d’autres prendraient une exaltation anormale ; où même des sens inconnus dans l’état normal entreraient, dit-on, en jeu, nous nous abstiendrons sagement de nier les phénomènes dont nous ne pouvons dire autre chose, sinon que leur explication surpasse nos connaissances ; mais nous n’hésiterons pas à rejeter ceux qui impliquent le renversement des conditions essentielles de notre connaissance, lesquelles ne sont autres que les lois fondamentales des êtres animés, et sont elles-mêmes en rapport nécessaire avec les lois du monde au sein duquel les êtres animés vivent et agissent.

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Si nous retranchons de la sensation, ou de la réminiscence de la sensation, tout ce qui n’a en soi aucune vertu représentative, tout ce qui ne contribue pas à la connaissance, ou ce qui n’y contribue que par voie indirecte, à titre de réactif,