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de l’attention et celui de la persistance ou de la reproduction des émotions et des images. De même, toutes les sensations peuvent provoquer et sont en général destinées à provoquer des mouvements qui offrent la manifestation la plus nette de l’activité de l’animal ; mais, tandis que les mouvements qui se produisent à la suite d’une sensation de saveur ou d’odeur ne contribuent pas pour l’ordinaire, ou contribuent peu, soit à renforcer la sensation, soit à la rendre plus nette, les sensations tactiles ont pour effet ordinaire de provoquer des mouvements par suite desquels ces sensations se répètent, s’étendent ou se localisent, jusqu’à ce qu’elles aient atteint le degré de netteté que l’animal recherche en exécutant ces mouvements. Le sens du tact devient ainsi un instrument plus sûr de perception, parce qu’il est plus susceptible de direction volontaire ; et il doit cette prérogative précisément au caractère d’infériorité de la sensibilité tactile, dans l’ordre anatomique et physiologique, qui fait que cette sensibilité n’est pas exclusivement dévolue à des organes d’une perfection toute spéciale. D’ailleurs, tous les animaux sont pourvus d’organes plutôt singuliers que spéciaux, dans lesquels se montrent davantage la finesse et l’activité du toucher, comme les mains de l’homme, la trompe de l’éléphant, les moustaches du chat, les tentacules de l’insecte : et à cet égard il y a de grandes différences entre les espèces les plus voisines, parce que les modifications portent sur des appareils accessoires qui n’ont ni la fixité ni la valeur caractéristique réservées aux traits profonds et fondamentaux de l’organisme, quoiqu’elles aient la plus grande influence sur les mœurs des espèces, et qu’elles se trouvent en relation bien évidente avec le milieu où ces espèces doivent vivre, avec leurs divers instincts de chasse ou de propagation. Ces mêmes modifications accessoires ne sont pas non plus de nature à changer les conditions fondamentales de la connaissance, ni les caractères essentiels de la perception. C’est avec grande raison sans doute que tous les naturalistes, depuis Aristote, ont vu, dans l’admirable structure de la main de l’homme, une des causes de la prééminence de notre espèce, une de celles qui ont efficacement concouru, non-seulement au développement de son industrie, et par suite à sa puissance de fait sur la nature, mais encore au développement de ses facultés intellectuelles et morales dont la supériorité donne à cette