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comparables aux sensations du chaud et du froid, aux sensations de saveurs, d’odeurs et de sons. Elles sont dues souvent à un trouble intérieur du système nerveux, que ne provoque aucune excitation du dehors, ou à des irritations produites par l’électricité, par des lésions mécaniques, en un mot par d’autre causes que celles qui déterminent les mêmes sensations, dans l’état normal et habituel. Nous n’avons nulle idée des rapports qu’il peut y avoir entre la nature spécifique de chaque rayon de lumière et la sensation spéciale de couleur dont il est la cause déterminante ou provocatrice. La sensation de couleur, comme celle de saveur, n’a en elle-même aucune vertu représentative ; et l’une ne nous instruit pas plus sur la constitution spécifique du rayon lumineux, que l’autre ne nous instruit sur la constitution moléculaire de la substance sapide. On a comparé quelquefois l’échelle des couleurs du spectre solaire à la gamme des tons musicaux, et l’harmonie ou le contraste de certaines couleurs aux consonances ou aux dissonances musicales ; mais ces comparaisons sont très-inexactes, notamment au point de vue de l’analyse qui nous occupe, en ce qu’elles tendraient à établir un parallélisme entre deux sens dont l’un, celui de l’ouïe, est sous ce rapport très-supérieur à l’autre. En effet, dans le mode même d’ébranlement des ramifications du nerf auditif, qui se mettent à vibrer à l’unisson des vibrations du corps sonore et des milieux ambiants, nous avons trouvé (101) une raison pour que l’oreille perçoive les rapports numériques des tons ou leurs intervalles musicaux. Ce n’est pas que l’oreille puisse nombrer ces vibrations, si rapides qu’elles se succèdent par centaines dans le court intervalle d’une seconde ; ce que l’oreille saisit ou nombre à sa manière, à cause de l’exacte correspondance des vibrations du nerf acoustique avec les vibrations du corps sonore, ce sont des rapports très-simples entre ces grands nombres qui échappent à la perception directe, l’un étant, par exemple, double, ou triple, ou quadruple de l’autre. En conséquence, l’oreille n’est pas seulement le siège d’affections agréables ou désagréables ; elle est un instrument de perception immédiate des intervalles musicaux, la sensation ayant par elle-même une valeur représentative qui tient encore à un caractère de forme, savoir, au retour périodique des mêmes impressions,