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l’irradiation de ces corps. On acquerrait, en un mot, la notion de la température, et l’on construirait la théorie de l’équilibre mobile des températures, telle qu’elle se trouve enseignée dans nos livres. Les expériences qu’on a faites pour étudier les lois de la propagation de la chaleur dans les corps solides pourraient se faire pour la plupart de la même manière, et donneraient naissance à la même théorie mathématique. Enfin l’on remarquerait que les changements dans l’état moléculaire des corps sont liés à leur état thermoscopique ; que l’eau, par exemple, se dilate ou que ses molécules s’écartent jusqu’à prendre l’état gazeux ; qu’elle se contracte, ou que ses molécules se rapprochent jusqu’à prendre l’état solide ; que le thermoscope, plongé dans la neige ou dans l’eau bouillante et soumis à l’irradiation d’un corps incandescent, ne bouge pas tant qu’il y a de la neige à fondre ou de l’eau à vaporiser. Cette dernière observation donnerait l’idée de la construction du thermomètre, ou d’un instrument gradué propre à définir et à mesurer les températures ; celle de la construction du calorimètre, ou d’un instrument propre à mesurer dans ses effets cette irradiation singulière, cet effluve qui n’est, comme la lumière, ni tangible, ni pondérable. On remarquerait que la plupart des actions chimiques sont accompagnées de dégagement ou d’absorption de ce principe intangible. On le concevrait comme une cause dont l’effet le plus général est de tendre à écarter les molécules des corps et à contre-balancer l’action d’autres forces qui tendent à les rapprocher les unes des autres.

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En un mot (car on sent bien que nous sommes obligé d’omettre ou d’abréger les détails), on aurait du principe de la chaleur et de ses effets les idées que nous en avons nous-mêmes, excepté qu’à ces idées ne s’associerait par la réminiscence d’une certaine sensation qui ici ne contribue manifestement en rien à la clarté des idées, qui n’aide point l’esprit dans le travail de la construction théorique. Nous connaîtrions la chaleur comme nous connaissons l’électricité, d’une connaissance scientifique et non vulgaire. Il n’y aurait pas de mots usuels dans toutes les langues pour désigner le chaud et le froid ; mais il y aurait des termes techniques ou scientifiques qui tendraient même, vu la généralité et l’importance