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tous les phénomènes physiques ; qui se propage et se disperse suivant des lois que la science a assignées, et dont la découverte a grandement contribué à étendre nos connaissances dans le domaine de la nature. L’homme, supposé insensible à l’action de la chaleur, serait privé d’avertissements indispensables pour la conservation de sa vie animale, cela est évident et ne doit pas nous occuper dans la question présente. Le système de ses connaissances en serait-il profondément altéré ? C’est là le point qui doit attirer notre attention. Avec quelques notions d’astronomie, on se représente volontiers ce que serait pour nous le spectacle du ciel, vu de la lune ou de Saturne, dans un monde astronomiquement constitué autrement que le nôtre. On suit même avec quelque curiosité le roman d’une astronomie imaginaire, et l’on se demande comment, muni d’instruments d’observation semblables aux nôtres, mais d’une station différente, un observateur intelligent aurait pu s’élever graduellement, de l’intuition de mouvements apparents autres que ceux que l’on voit de notre terre, jusqu’à la connaissance des mouvements réels, telle que la science a fini par nous la donner à nous-mêmes, en parcourant des phases dont la trace historique est parfaitement conservée. Dans le but que nous poursuivons ici, il est non-seulement curieux, mais utile d’indiquer comment on referait notre physique, en l’accommodant à des hypothèses, imaginaires sans doute, mais où il n’entre rien qui implique contradiction ou qui répugne de toute autre manière à la raison.

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Feignons donc que les variations de l’état calorifique des corps ne tombent pas plus directement sous nos sens que n’y tombent les variations de leur état électrique ou celles de l’état magnétique d’un barreau d’acier. Il ne faudrait pas une étude bien curieuse de la nature pour remarquer que les liquides sont sujets à éprouver à chaque instant des variations de volume ; que ces variations sont particulièrement sensibles lorsqu’on les expose aux rayons solaires ou qu’on les en met à l’abri, lorsqu’on les approche ou qu’on les éloigne d’un corps incandescent. On imaginerait de rendre ces variations plus sensibles en donnant au vase qui contient le liquide la forme d’une boule terminée par un tube effilé ; et l’on aurait, non pas encore un thermomètre ou un instrument