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causes variables et fortuites se seraient sensiblement compensés. Or, concevons que toutes les mesures ainsi prises se trouvent rangées en tableau par ordre de grandeur, de part et d’autre de la valeur moyenne, selon qu’elles la surpassent ou qu’elles en sont surpassées. S’il n’y a pas de cause constante, soit organique ou constitutionnelle, soit tenant à l’action des milieux ambiants, qui tende à favoriser de préférence, soit les erreurs en plus, soit les erreurs en moins, les mesures particulières qui toutes pèchent, les unes par excès, les autres par défaut, se trouveront distribuées symétriquement de part et d’autres de la valeur moyenne, dont la vraie valeur ne pourra différer sensiblement. À mesure que l’on s’éloignera davantage de la valeur moyenne, dans un sens ou dans l’autre, les valeurs particulières deviendront plus clairsemées, plus distantes de celles qui les précèdent ou qui les suivent ; parce que, en vertu de l’hypothèse, la probabilité d’une erreur plus petite doit l’emporter sur la probabilité d’une erreur plus grande. Les valeurs particulières seront également accumulées ou également clairsemées à des distances égales de la moyenne, en plus ou en moins. Si donc une pareille distribution symétrique s’observe dans le tableau des valeurs particulières, il ne sera pas encore prouvé, mais il sera du moins fort probable que l’œil, dans l’opération de mesure dont il s’agit, n’est pas sous l’influence d’une cause constante d’erreur, et que la moyenne ne diffère pas sensiblement de la vraie valeur qu’il fallait mesurer. Mais si au contraire la distribution symétrique dont nous parlons n’a nullement lieu, on sera certain, pourvu qu’on opère sur des nombres suffisamment grands, que les chances des erreurs en un sens l’emportent sur celles des erreurs en sens contraire ; que, par exemple, une cause constante favorise les erreurs en plus ; et dès lors il deviendra, sinon rigoureusement impossible, du moins excessivement peu probable, que la moyenne trouvée ne diffère pas sensiblement de la vraie valeur. Une simple vue de l’esprit, une conception purement rationnelle, aura accusé la vérité ou l’erreur de la perception sensible et du jugement de comparaison ou de mesure qui en est la suite.

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L’homme, dit-on, se fait nécessairement le centre de tout, rapporte nécessairement tout à lui. Que ce soit là une tendance instinctive de sa nature sensible, on ne saurait le