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conservent leurs cours et leurs allures propres, en s’accommodant aux accidents des terrains qu’ils parcourent (52). Mais, d’un autre côté, s’il est loisible à une imagination rêveuse et poétique de se figurer que le satellite de notre planète a été créé tout exprès pour éclairer nos nuits de sa douce lumière, une raison plus sévère, instruite de ce qu’il y a d’accidentel et d’irrégulier dans la répartition des satellites entre les planètes principales de notre système, ne peut se résoudre à invoquer le principe de la finalité pour rendre compte d’une harmonie dont l’importance est subalterne, et qui même ne remplit qu’imparfaitement le but qu’on voudrait lui assigner. Encore moins la raison éclairée par le progrès des études géologiques admettrait-elle que, si les antiques révolutions du globe ont enfoui des amas de végétaux incomplètement décomposés, c’était, comme quelques-uns se sont risqués à le dire, pour que l’homme y trouvât plus tard l’approvisionnement de combustible dont les progrès de son industrie lui feraient sentir le besoin. On peut remplir par tant de degrés qu’on voudra l’intervalle entre ces cas extrêmes que nous prenons pour exemples.

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Quant au principe du consensus final par influences ou réactions mutuelles, lorsque le progrès de nos connaissances scientifiques nous a mis à même d’y rattacher l’explication de telle harmonie particulière, cette explication est définitivement acquise à la science, et il n’y a pas de subtilité dialectique qui puisse l’infirmer. Le nombre des cas particuliers expliqués de la sorte est petit sans doute, mais quelques exemples suffisent pour nous montrer que l’application du principe ne surpasse pas absolument les forces de l’intelligence de l’homme, et que le cercle des applications pourra s’étendre, à mesure que nos connaissances positives se perfectionneront et s’étendront. Si l’application du principe dont il s’agit exige (comme cela paraît être le cas ordinaire) que les dispositions initiales aient été jusqu’à un certain point rapprochées des conditions finales d’harmonie, il faudra encore que l’un des deux autres principes nous serve à rendre compte de l’accomplissement de cette condition initiale ; et à cet égard nous retomberons dans l’ambiguïté inévitable signalée tout à l’heure : le surplus de l’explication, par les réactions mutuelles des diverses parties d’un système plus ou moins