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en produisent à leur tour une multitude d’autres, parmi lesquels on trie encore ceux qui, par des circonstances fortuites, réunissent à un plus haut degré les qualités que l’on prisait dans leurs ancêtres, qualités qui vont ainsi en se consolidant et se prononçant de plus en plus par les transmissions successives d’une génération à l’autre : et par là s’explique la formation des races cultivées, qui sont comme des types nouveaux, artificiellement substitués à ceux de la nature sauvage. Cet exemple peut donner l’idée de la part du hasard et de la multiplication indéfinie des combinaisons fortuites dans l’établissement de l’ordre final et des harmonies qui s’y remarquent. Mais il y a des limites à cette part du hasard, comme à la part des influences que la culture développe : le plus grand rôle dans la constitution de l’harmonie finale reste toujours à la force génératrice et plastique primitivement attachée au type originel, en vertu d’une harmonie préexistante que l’art de la culture peut bien modifier, mais non suppléer, ni créer de toutes pièces. Ce que nous disons pour un petit échantillon de la nature cultivée peut aussi bien s’appliquer, sauf le grandiose des proportions, aux libres allures de la nature sauvage. Il y a eu sans doute bien des races créées et consolidées par un concours fortuit de circonstances accidentelles, en raison de la diversité des climats et du long temps écoulé depuis l’époque de la première apparition des êtres vivants ; mais, autant qu’on en peut juger dans l’état de nos connaissances, ceci n’explique que la moindre partie des variétés de type et d’organisation, et il faut surtout tenir compte des variétés inhérentes au plan primordial de la nature dans la construction des types organiques. De même, pour s’expliquer l’harmonie finale des organes entre eux et de l’organisme complet avec les milieux ambiants, il faut sans doute faire la part des influences et des réactions mutuelles qui suffisent au besoin, entre de certaines limites, pour rétablir une harmonie accidentellement troublée ; mais il faut principalement et avant tout avoir égard aux harmonies essentielles du plan primordial. S’il arrive que la patte du chien de Terre-Neuve offre un rudiment de palmature approprié à sa vie aquatique ; s’il arrive aussi, suivant la remarque de Daubenton, que le tube intestinal s’allonge un peu chez le chat domestique, que l’on force à se nourrir en partie