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géologiques sont là pour nous apprendre que l’ordre n’a pas toujours été le même ; qu’il a fallu traverser des périodes immenses et des convulsions sans nombre, pour arriver graduellement à l’ordre que nous observons maintenant, et qui probablement, dans la suite des âges, malgré sa stabilité relative, ne doit pas plus échapper que les autres combinaisons de la nature aux causes de dissolution.

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Voilà l’argument dans sa force, le même au fond qu’aurait employé un grec de l’école d’Epicure ou un raisonneur du moyen âge, mais conçu en termes et appuyé d’exemples mieux appropriés à l’état des sciences modernes ; c’est aussi à la science que nous demanderons de nous fournir des inductions et des exemples, non pour le détruire, car il a sa valeur et ses applications légitimes, mais pour en combattre les conséquences extrêmes et les tendances exclusives. Supposons que notre planète ne doive plus éprouver de secousses comme celles qui, à des époques reculées, ont soulevé les chaînes de montagnes et produit toutes les dislocations et les irrégularités de la surface des continents et du fond des mers ; l’action de l’atmosphère et des eaux, combinée avec l’action de la pesanteur, tendra avec une extrême lenteur, mais enfin tendra constamment à désagréger les roches, à en charrier les débris au fond des vallées et des bassins, en un mot, à abattre tout ce qui s’élève, à combler toutes les dépressions, et à niveler la surface comme si les matériaux de l’écorce du globe avaient été primitivement fluides. Or, dans l’état présent des choses, les inégalités de l’écorce terrestre, quoique énormes relativement à notre taille et à nos chétives constructions, sont si petites relativement aux dimensions de la terre, que les astronomes ont dû les négliger dans la plupart de leurs calculs, et que, frappés de la conformité de la figure générale de notre planète avec celle que lui assigneraient les lois de l’hydrostatique, dans l’hypothèse d’une fluidité initiale, ils n’ont pas hésité à regarder cette hypothèse comme démontrée par la figure même de la Terre. Ecartons pour le moment toutes les autres preuves et toutes les autres inductions fournies par le progrès des observations géologiques, et qui ne permettent plus de douter raisonnablement de la fluidité initiale : l’accord de la figure du sphéroïde terrestre avec les lois de l’hydrostatique pourrait encore à la rigueur s’expliquer sans la supposition