Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée

que la nature a dû réaliser parmi une infinité d’autres ; et, si faibles que soient encore nos connaissances sur d’autres systèmes ou d’autres mondes si prodigieusement éloignés, nous puisons déjà dans l’observation des motifs de croire qu’en effet la nature, en y variant les combinaisons, ne s’est point assujettie à y réunir au même degré les conditions de simplicité et de permanence. Il a fallu (nous l’avons déjà reconnu) des conditions toutes particulières pour qu’une atmosphère se formât autour de notre planète, et une atmosphère tellement dosée et constituée qu’elle exerçât sur la lumière et la chaleur solaires, en conséquence de la distance où la terre se trouve du Soleil, une action appropriée au développement de la vie végétale et animale, en même temps qu’elle fournirait l’élément chimique indispensable à l’entretien de la respiration et de la vie. Mais aussi, parmi les corps célestes, celui qui nous avoisine le plus nous offre de prime abord l’exemple d’un astre placé par les circonstances fortuites de sa formation dans des conditions toutes contraires : la lune n’a point d’atmosphère, et nous avons tout lieu d’induire des observations que sa surface est vouée à une stérilité permanente. Il a fallu que les matériaux solides de la croûte extérieure du globe terrestre eussent une certaine composition chimique, et que les inégalités de sa surface affectassent de certaines dispositions pour permettre tant de variété et de richesse dans le développement des formes et des organismes ; mais aussi, là où ces conditions ont défailli, rencontre-t-on des espaces déserts, des sables arides, des zones glacées, où le cryptogame et l’animalcule microscopique, entassés par millions, sont les dernières et infimes créations d’une force plastique qui se dégrade et qui s’éteint ; des contrées où les eaux sauvages, torrentueuses, stagnantes, causes de destruction et d’émanations malfaisantes pour toutes les espèces qui occupent dans les deux règnes un rang élevé, remplacent ces fleuves, ces ruisseaux, ces lacs, ces eaux aménagées, dont le régime et l’ordonnance régulière font encore plus ressortir le désordre et l’irrégularité que présentent d’autres parties du tableau. Si, dans l’état présent des choses, les contrées ravagées et stériles ne forment qu’une petite partie de la surface de notre planète ; si les limites de l’empire de Typhon ont reculé presque partout devant l’action du principe organisateur et fécondant, les monuments