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qui avoit accoutumé de sauter plus que ses chevreaux. Son troupeau étoit oublié ; sa flûte par terre abandonnée ; il baissoit la tête comme une fleur qui se penche sur sa tige ; il se consumoit, il séchoit comme les herbes au temps chaud, n’ayant plus de joie, plus de babil, fors qu’il parlât à elle ou d’elle. S’il se trouvoit seul aucune fois, il alloit devisant en lui-même : « Dea, que me fait donc le baiser de Chloé ? Ses lèvres sont plus tendres que roses, sa bouche plus douce qu’une gauffre à miel, et son baiser est plus amer que la piqûre d’une abeille. J’ai bien baisé souvent mes chevreaux ; j’ai baisé de ses agneaux à elle, qui ne faisoient encore que naître ; et aussi ce petit veau que lui a donné Dorcon ; mais ce baiser ici est tout autre chose. Le pouls m’en bat ; le cœur m’en tressaut ; mon ame en languit, et pourtant je desire la baiser derechef. O mauvaise victoire ! O étrange mal dont je ne saurois dire le nom ! Chloé avoit-elle