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pirates ; de fait, la piraterie redoublait en 1552, 1553, 1555 ; les provinces du sud étaient ravagées, on en vint à de véritables combats navals. Peut-être le seigneur de Tsousima ne pouvait-il pas grand’chose à ces désordres résultant de l’anarchie de tout l’Empire. Mais, tout en l’accusant, le gouvernement coréen lui accordait en même temps cinq jonques annuelles de plus (1565). Ainsi encouragés, les Japonais demandèrent qu’on en revînt aux 50 jonques de la convention de 1443 (1581) ; ils voulurent qu’on rouvrît Tjyei-hpo (1567, 1581) ; sur ces deux points, ils essuyèrent un refus. Le pouvoir royal fléchissait depuis le début du XVIe siècle, la noblesse s’absorbait de plus en plus dans les affaires intérieures, dans les luttes de partis ; on avait presque renoncé à envoyer des ambassades au Japon, même à Tsousima, les fonctionnaires coréens craignant la mer ; la rareté des relations officielles ne supprimait ni les résidents de Pou-san ni les pirates, excluait toute chance de cordialité, toute possibilité d’entente pour régler les questions communes. Des mandarins plus clairvoyants essayaient de revenir aux traditions du XVe siècle ; Ryou Syeng-ryong, ministre des Rites, faisait envoyer des présents et un sceau officiel à Kyôgokou Harouhiro (1581, 1584).

Pour n’être pas pleinement satisfaisante, la situation n’était cependant pas tendue et ce ne sont des motifs ni économiques[1], ni de dignité nationale qui décidèrent la guerre. Si le taikô Hidéyosi eut une idée politique en cette circonstance, ce fut sans doute le désir de rejeter du Japon les bandes féodales qui entravaient son œuvre de réorganisation ; mais il y eut peut-être encore davantage la vanité d’un homme de classe inférieure parvenu à la plus haute dignité de l’Empire, grisé par le succès et par le pouvoir. Les ambassadeurs du taikô réclamèrent à Seoul le tribut que la Corée n’avait pas envoyé depuis 774-775, demandèrent l’appui des troupes coréennes et le passage à travers la péninsule pour aller soumettre la Chine. Un célèbre écrivain japonais postérieur, Kahibara Atsounobou, a sévèrement jugé la politique du taikô. Il n’entre pas dans mon plan de conter la double invasion des Japonais (1592, 1597) ; débarquant à Pou-san, ceux-ci, rompus à la guerre et munis d’armes à feu, arrivèrent la première fois avec une rapidité foudroyante jusqu’à Hpyeng-yang et dans le nord du Ham-kyeng to ; mais dès 1593, ils furent rejetés au sud, malgré les fautes et les dissensions du gouvernement coréen, grâce au secours de la Chine, grâce à l’énergie d’une partie des mandarins, grâce à la levée en masse de toute la population, y compris les bonzes ; la seconde armée fut arrêtée avant Seoul et repoussée vers Pou-san où elle était serrée de près, quand la mort de Hidéyosi détermina son rappel (octobre-novembre 1598). La guerre avait été conduite avec la sauvagerie de l’époque ; ses ruines et ses massacres ne sont pas encore oubliés des Coréens.

La Corée ruinée était si peu abattue que jusqu’en 1602 elle se refusa à tous pourparlers de paix, malgré les avances de Sô Yositosi. Après de longues négociations avec ce dernier, une ambassade coréenne se rendit à Édo (1607) et remit au roi (le chôgoun Hidétada) une lettre du roi de Corée ; l’année suivante, la réponse fut portée par le bonze Genso qui avait été employé dans les négociations depuis 1588 ; les lettres, bien loin d’admettre la vassalité

  1. Tsousima était de tout le Japon la seigneurie la plus intéressée dans le commerce de Corée ; le seigneur de Tsousima, Sô Yositosi, s’employa activement à maintenir la paix (1589-1591).