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REVUE DE L’HISTOIRE DES RELIGIONS

résulte que la religion primitive de la Chine, à l’aurore de sa civilisation, fut décidément naturiste, sans exclure une forte part d’animisme ; … cette religion des premiers temps du Céleste Empire est évidemment marquée au coin d’un polythéisme des plus accentués. »

Si je reprends aujourd’hui l’examen de cette question, c’est pour apporter à la thèse de M. Réville non pas une démonstration rigoureuse, mais un argument tiré des textes.

Lorsqu’on parle du monothéisme des Chinois, on ne saurait attribuer cette croyance qu’à une époque reculée ; les villes chinoises sont semées d’assez de temples de toutes sortes, les sacrifices sont offerts à assez de divinités diverses, les histoires, dès avant la domination des Tshin (247-206), mentionnent un assez grand nombre d’esprits et de cultes, pour qu’on ne puisse admettre un monothéisme moderne ou même relativement récent. C’est, en effet, au temps des empereurs mythiques ou de leurs premiers successeurs, c’est-à-dire avant les Tcheou (1050?-256), que de Harlez, par exemple, croit retrouver cette forme religieuse. Pour l’étude que j’entreprends, je pourrai donc me borner aux textes les plus anciens, les plus proches de la période indiquée ; je me servirai surtout du Chi king, du Chou king, occasionnellement du Tso tchoan, des Seu chou, du Chi ki[1]. Aussi bien la

  1. Pour ne pas charger le texte ou les notes de caractères chinois, je me bornerai à donner, à côté de la traduction, la transcription des passages cités, en renvoyant le lecteur sinologue d’une part à l’édition des classiques du D       Legge (The Chinese Classics with a translation… by James Legge ; vol. I et II, 1861 ; vol. III, 1865 ; vol. IV, 1871 ; vol. V, 1872), d’autre part aux Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien, traduits par M. Chavannes (Paris, 1895, etc.).

    Le Chi king (Livre des Odes) comprend, en quatre parties, des chants populaires et des hymnes officiels, dont quelques-uns remontent à la dynastie des Yin et dont les autres appartiennent à la première période de celle des Tcheou.

    Comme le précédent ouvrage, le Chou king (Livre des Histoires) se compose de chapitres détachés rédigés à des époques différentes ; je ne m’appuierai que sur les livres dont l’authenticité a été établie par M. Chavannes (Mémoires historiques, Introduction, pp. 113 et sqq.) et je laisserai de côté tous les livres apocryphes qui semblent dater du IVe siècle p. C. D’ailleurs, même pour les livres authentiques, il y a lieu de croire que les premiers, relatant les événements les