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le théâtre en chine

il n’est guère de partie de théâtre où l’amphitryon ne réunisse ses amis d’abord au restaurant et ne convie quelques jeunes garçons de bonne mine, richement habillés, sachant causer et « rendre le vin plus agréable » ; ils plaisantent et rient avec les convives, les accompagnent au théâtre et restent avec eux jusqu’à ce que, la fête finie, chacun rentre chez soi. Naturellement, aux simples lettrés et aux acteurs on ne demande que leur bonne humeur, et ce sont les riches qui paient la note ; bien des fils de famille se ruinent de cette façon.

Les habitués sont assez peu nombreux dans une salle pékinoise, et le gros du public est formé d’ouvriers, de clercs des yamens, de boutiquiers qui prennent un jour de vacance. Ils louent aux secondes pour 6 tiaos[1] une table carrée, autour de laquelle on peut tenir trois ou quatre : la salle étant rectangulaire, ces tables sont alignées avec des sièges sur l’un des petits côtés du rectangle, à l’opposé de la scène. Les spectateurs plus pauvres se casent pour 1 tiao[2] par place sur les bancs du parterre, qui sont en contre-bas de la scène et des secondes. Quant aux premières, ce sont des loges, placées à droite et à gauche sur les deux grands côtés de la salle, au même niveau que la scène et les secondes, et séparées les unes des autres par des balustrades à hauteur d’appui : elles se paient de six à huit piastres[3] et peuvent contenir quatre, cinq ou six spectateurs assis autour d’une table carrée. Ces « sièges de mandarins » sont peu recherchés à cause de leur prix et parce qu’on y voit moins bien qu’aux secondes. On prend habituellement les billets par l’intermédiaire d’un des restaurants qui environnent le théâtre ; mais comme des contremarques sont délivrées aux spectateurs qui sortent, il s’en fait un trafic à la porte, si bien que les pauvres gens trouvent le moyen d’assister à bon marché à une partie de la représentation. — Ce public de gens du peuple est naïf, bon enfant, et n’offre jamais l’aspect solennel et guindé de beaucoup de publics européens :

  1. 6 tiaos de Pékin font environ 1 fr. 80. Les prix ne varient guère dans les diverses salles d’une même ville ; mais ils diffèrent suivant les localités : une table des secondes vaut à Changhaï six à huit fois plus qu’à Pékin. Pour ce qui est de l’équivalence en monnaie européenne, il ne faut pas oublier que le change est très variable.
  2. Environ 0 fr. 30.
  3. La piastre vaut 3 francs.