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le théâtre en chine

les amis, on les traite largement pendant trois jours ou cinq jours. Le banquet est souvent dressé dans une grande cour abritée par des nattes ; l’estrade, qui sert de scène est placée au sud, et quelques pièces de la maison, derrière l’estrade, servent de coulisses ; dans la partie de la cour qui reste libre, on dispose symétriquement des tables carrées, entourées chacune de quatre chaises ; trois invités prennent place à chaque table, de façon qu’aucun des trois ne tourne le dos aux acteurs ; la place la plus honorable est de face et, parmi les tables, les plus considérées sont celles du milieu.

La salle du festin est ornée de broderies de couleurs éclatantes représentant des symboles de bon augure, ou de paires de rouleaux de papier ou de soie, que l’on accroche aux parois et sur lesquels sont inscrites des devises flatteuses : le maître de la maison expose dans de pareilles fêtes tous les témoignages d’amitié, de reconnaissance qu’on lui a offerts dans les circonstances solennelles de sa vie. Tout cela forme une décoration très gaie, bien supérieure à celle d’une salle publique. L’hôte n’a pas de place fixe : lui et ses fils, qui l’aident à recevoir, se transportent de table en table, s’asseyent à la place restée vide et font aux invités les honneurs de la fête ; on échange des compliments, l’hôte boit quelques coupes de vin en l’honneur des convives, qui lui font raison ; il choisit dans les bols quelques morceaux succulents et, à l’aide de ses bâtonnets, les dépose délicatement dans les assiettes de ceux qu’il traite. Au commencement de chaque repas, les comédiens présentent la liste de leur répertoire au maître de maison qui prie le plus qualifié des invités de choisir quelques pièces à son goût : les farces succèdent aux drames historiques ou familiers, et la déclamation des acteurs, les grincements du violon se mêlent au bruit des conversations avinées et aux éclats de voix du jeu de mourre.

La salle séparée où se tiennent les femmes est placée de sorte qu’elles puissent jouir du spectacle, dissimulées derrière des jalousies : leur présence ne gêne pas pour les plaisanteries scabreuses et ne se révèle que par un rideau qui s’agite, un bout de manche qui passe, des rires étouffés, des paroles échangées à mi-voix.

De pareilles fêtes, seulement pour la partie théâtrale,