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ANNALES DES SCIENCES POLITIQUES.

chinois ni japonais, à s’avertir mutuellement au cas où une intervention armée serait jugée nécessaire.

Si les Japonais avaient fomenté l’émeute, ce qui est probable, ils n’y gagnèrent rien. L’égalité était en apparence établie entre eux et les Chinois, mais ceux-ci restaient maîtres du terrain : la Douane maritime coréenne devint ouvertement (1885) un service détaché de la Douane maritime chinoise ; le télégraphe entre Séoul et Eui-tjyou fut posé par les soins de Li Hong-tchang, dirigé par des mandarins chinois ; Yuen Chi-khai, portant le titre de résident chinois, fut consulté, fut reçu au Palais avec des honneurs spéciaux ; il insista même avec exagération sur les privilèges de son gouvernement et indisposa peu à peu le Roi et quelques fonctionnaires, auxquels plaisait l’idée d’indépendance sans qu’ils fussent prêts à user de la réalité. Une tentative d’instituer une représentation à l’étranger (1887) manifesta les désirs du Roi[1] ; le gouvernement rencontra chez Li Hong-tchang, relativement à la prééminence des ministres chinois sur leurs collègues coréens, des exigences qui empêchèrent l’envoi de ceux-ci en Europe ; toutefois des représentants coréens s’étaient déjà rendus à Tokyo et à Washington.

La trêve entre la Chine et le Japon dura quelques années, traversées d’intrigues ; les chefs de la conspiration de 1884 réfugiés au Japon étaient gardés en réserve par le ministère japonais. Le 28 mars 1894, l’un d’eux, Kim Ok-kyoun, se trouvant à Chang-hai sur la concession internationale, fut assassiné par un de ses compatriotes, Hong Tjyong-ou, qui avait été forcé de quitter son pays plusieurs années auparavant et avait séjourné quelque temps à Paris. Il s’agissait peut-être d’une vengeance privée. Quoi qu’il en fût, faute de juridiction coréenne à Chang-hai, le meurtrier fut remis aux mandarins chinois qui l’expédièrent immédiatement à Séoul avec le corps de la victime. Kim Ok-kyoun était un rebelle ; suivant la loi coréenne, son cadavre fut dépecé et exposé en divers endroits ; Hong Tjyong-ou fut accueilli en triomphateur. Cette procédure surexcita la sentimentalité de la presse japonaise. En même temps une révolte des Tong-hak, société religieuse opposée à tous les étrangers et dont l’origine remonte au milieu du dernier siècle, agitait le sud-ouest de la péninsule, menaçait le commerce japonais. S’appuyant sur la convention de Thien-tsin et d’accord avec le

  1. Min Yeng-tjyoun et Kim Ka-tjin furent envoyés au Japon ; Pak Tyeng-yang fut désigné pour l’Amérique, Tjyo Sin-heui pour l’Europe.