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LA CORÉE ET LES PUISSANCES ÉTRANGÈRES.

ordre de l’arrêter le père du Roi fut interné à Pao-ting fou et y resta jusqu’en septembre 1885.

Malgré l’éloignement momentané de ce prince, la situation restait complexe. Li Hong-tchang, désireux de faire profiter son pays des avantages commerciaux accordés à d’autres, obtenait par deux conventions (septembre 1882 et mars 1883) le droit pour les Chinois de commercer en Corée par terre et par mer, d’avoir dans les ports ouverts des délégués commerciaux investis de la juridiction sur leurs nationaux ; s’il mettait ainsi la Chine en face de la Corée dans une condition conforme au droit international de l’Occident, il maintenait expressément la position de suzeraineté et, selon le droit chinois, traitait, lui vice-roi, sur pied d’égalité avec le Roi de Corée. Le gouvernement coréen créait quelques nouveaux organes pour les besoins nouveaux, Conseil des Affaires étrangères (1882), Douanes maritimes organisées par M. von Möllendorff[1] ; les réformateurs, peu nombreux, mais remuants, voulaient davantage. Enfin les troupes japonaises et chinoises restaient en présence. Le 4 décembre 1884, à l’issue d’une fête donnée pour l’inauguration de l’hôtel des Postes, Min Yeng-ik, parent de la Reine, fut attiré dans un guet-apens et percé de coups ; les conspirateurs, Kim Ok-kyoun, Sye Koang-pem, Sye Tjai-hpil, Pak Yeng-hyo à leur tête, se rendirent au Palais, massacrèrent sous les yeux du Roi onze fonctionnaires membres ou partisans de la famille Min, appelèrent le ministre japonais et sa garde pour protéger le souverain ; mais le surlendemain (6 décembre) les commandants chinois, Wou Tchao-yeou et Yuen Chi-khai, le même dont le rôle est si important en Chine depuis 1898, se présentèrent avec leurs troupes au Palais ; après une heure de combat ils repoussèrent les émeutiers et les Japonais ; le peuple se souleva et massacra les Japonais dans les rues ; le 7, la légation du Japon dut être évacuée par le ministre Takézoé Sin-itsiró et ses nationaux, qui se replièrent sur Tché-moulpo ; la légation fut aussitôt incendiée, soit par la population, soit que les Japonais eussent mis le feu avant de partir. Le 9 janvier suivant, la Corée convint de présenter des excuses, de punir les émeutiers et de payer une indemnité ; au mois d’avril, le comte Itô signa à Thien-tsin avec Li Hong-tchang une convention par où les deux puissances s’engageaient à retirer leurs troupes, à conseiller au Roi d’appeler pour son armée des instructeurs étrangers, ni

  1. Von Möllendorff fut recommandé au roi par Li Hong-tchang, ou même nommé par ce dernier (fin de 1882).