Page:Courant - La Corée et les puissances étrangères, 1904.pdf/5

Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
ANNALES DES SCIENCES POLITIQUES.

quelques nobles seulement, mis en rapports avec les Japonais, essayèrent, par intérêt ou par conviction, de jouer un role de réformateurs. Auprès du Roi, bien intentionné mais faible, la Reine, intelligente et énergique, concevait peut-être une politique nalionale ; les Min, parents de la Reine, songeaient avant tout à garder leur influence ; le Tai-ouen koun, père du Roi, régent de fait jusqu’en 1873, auteur des massacres de 1866, en voulait à tous les étrangers, mais était prêt à tout pour ressaisir le pouvoir. Une sédition éclata le 23 juillet 1882 ; les soldats pillèrent les greniers à riz ; la Reine menacée se réfugia dans une bonzerie à la campagne et ne reparut que quand la Cour portait déjà son deuil ; plusieurs ministres furent massacrés ; les Japonais, attaqués dans leur légation, se retirèrent à Tchémoulpo sous la conduite de leur ministre Hanabousa Yosimoto et ne trouvèrent de salut que sur un vaisseau anglais qui était en rade. Dès la fin d’août, le ministre Hanabousa rentra à Séoul avec une escorte de 500 hommes ; une convention autorisa le maintien de cette troupe comme garde de la légation et stipula une indemnité de 500 000 taëls dont 400 000 furent remis par la suite au gouvernement coréen (9 novembre 1884).

La Chine, en Corée, comme en Annam, en Formose, aux Ryou-kyou, essayait de concilier sa souveraineté avec la non-responsabilité pour les actes de ses tributaires. Li Hong-tchang, chargé des affaires coréennes en qualité de vice-roi du Tchi-li, voulait atténuer la portée de l’article 1er  du traité de Kang-hoa ; dès 1879 il conseillait à un haut fonctionnaire coréen d’opposer les étrangers les uns aux autres ; sous ses auspices et par son intervention furent conclus les traités entre la Corée et les États-Unis (22 mai 1882), la Grande-Bretagne (6 juin 1882), l’Allemagne (30 juin 1882)[1]. Une lettre du Roi au président des États-Unis, accompagnant le traité, réservait la suzeraineté chinoise, tout en affirmant l’indépendance de la Corée. La sédition de juillet donna à la Chine l’occasion de faire valoir ses droits et de neutraliser les Japonais en coopérant avec eux ; un corps de 4 000 hommes fut débarqué à Nam-yang au sud de Tchémoulpo ; 1500 furent admis dans Séoul où l’ordre était déjà rétabli. Peu après, l’un des commandants chinois, Ma Kien-tchong, invita le Tai-ouen koun à un banquet où il lui déclara qu’il avait

  1. Les deux derniers traités non ratifiés ont été remplacés par de nouveaux instruments signés l’un et l’autre le 26 novembre 1883. Parmi les traités signés depuis lors, celui de la Russie est du 7 juillet 1884, celui de la France du 4 juin 1886.