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LA CORÉE ET LES PUISSANCES ÉTRANGÈRES.

Tous les anciens règlements relatifs aux rapports des deux pays et à la factorerie de Pou-san étaient abolis (art. 4). Pou-san, avec deux autres ports à désigner, était ouvert au commerce du Japon (art. 4 et 5) ; des consuls étaient admis à résider dans les ports ouverts et investis de la juridiction sur leurs nationaux (art. 8 et 10) ; un envoyé de l’Empereur pouvait être accrédité à Séoul (art. 2). Peu à peu des conventions réglementèrent le commerce et les concessions japonaises à Pou-san (14 octobre 1876, 30 janvier 1877), à Ouen-san (30 août 1879, 4 août 1881), à Tchémoulpo (30 août 1882, 30 septembre 1883), déterminèrent les principes relatifs aux dépôts de charbon (20 décembre 1877), aux naufragés, aux pêcheurs. La Corée était donc ouverte aux Japonais qui y prenaient la même position que les Occidentaux tenaient au Japon et en Chine. Enfin et surtout, elle avait signé une déclaration d’indépendance : « la Corée, étant un État indépendant, jouit des mêmes droits souverains que le Japon » (traité de Kang-hoa, art. 1). Cette clause capitale ne satisfît pas toutefois l’opposition militaire, qui aurait voulu traiter la Corée en pays inférieur, tributaire.

Dès lors, et chaque année davantage, les Japonais usèrent de leurs nouveaux droits. Leurs vaisseaux firent l’hydrographie des côtes, leurs officiers voyageant comme touristes ou comme marchands relevèrent les routes, leurs pêcheurs exploitèrent les eaux coréennes, leurs commerçants, dans les ports ouverts et à Séoul même, sillonnant bientôt l’intérieur contrairement aux traités, profitèrent de l’infériorité commerciale des Coréens, prêtèrent à gros intérêts et sur gage, s’attirèrent les profits et l’odieux du rôle de banquiers tant soit peu usuriers. Ceux qui s’établirent en Corée étaient, en trop grand nombre, gens peu recommandables, dont la situation était difficile au Japon ; naturellement vaniteux, méprisants pour les étrangers, ils traitèrent les Coréens en peuple conquis : c’est un spectacle fréquent, ridicule et pitoyable, que celui d’un Japonais, un petit homme de mine chétive, qui brusque et frappe un Coréen, bien musclé, le dépassant de la tête et ne songeant pas à résister.

Toutes ces causes d’irritation qui apparurent peu à peu, s’ajoutèrent à la haine nationale contre les yei-nom, les « coquins de Japonais » : on se rappelle encore l’invasion de 1592-1598, le souvenir en est entretenu par les romans et les complaintes populaires. Les ryang-pan, l’aristocratie, partageaient en général ces sentiments ; xénophobes par principe, ils regardaient volontiers vers la Chine ;