Page:Courant - L'enseignement colonial et les cours de chinois à Lyon, 1901.pdf/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
ENSEIGNEMENT COLONIAL ET COURS DE CHINOIS

Cette création, suite naturelle de la mission lyonnaise d’Extrême-Orient, vient à son heure, quand les entreprises en Chine sortent de cette période de fièvre qui avait suivi la guerre sino-japonaise et la prise à bail de Kiao-tcheou, quand l’on arrive à une époque d’études, d’efforts sérieux et de premiers résultats que ne saurait interrompre longtemps l’anarchie des provinces septentrionales ; elle vient à son heure à tel point qu’au-delà des frontières on a songé déjà à l’imiter. Peu après le départ de la mission lyonnaise, l’Angleterre chargeait officiellement d’une tournée dans les ports de Chine et de Corée M. Byron Brenan, tandis que M. Bourne avec deux collaborateurs allait étudier sur place la question des cotonnades et celle des li kin. Aujourd’hui il est question d’organiser à Londres, au point de vue commercial, des cours de chinois avec un professeur anglais et deux répétiteurs indigènes. L’Allemagne, qui a copié il y a une quinzaine d’années notre École des Langues orientales, qui, après Simonoseki, a envoyé une mission commerciale dans les ports de la côte et du bas Yang-tseu, ne se contente pas des cours de chinois de Berlin, de ceux de l’École de commerce de Leipzig, et quelques Allemands se préoccupent de la pousser plus avant dans cette voie. Ces imitations, ces tendances prouvent avec quelle justesse l’initiative de la Chambre de commerce de Lyon s’est appliquée au point où l’effort est nécessaire, où il doit être fructueux ; elles indiquent aussi avec quelle vigilance il faut développer ce germe pour lui faire porter sans retard toute la récolte qu’on est en droit d’attendre. Nous avons l’avance sur ce point, il faut la conserver ; d’autant que les événements de ces derniers mois ont brutalement imposé le problème chinois à l’attention des puissances et que partout l’intérêt pris aux choses de l’Extrême-Orient a redoublé, en Allemagne comme aux États-Unis, en Russie et au Japon.

IV

Aussi bien le terrain est chez nous mieux préparé qu’en Angleterre pour une fondation de ce genre ; l’orgueil britannique tient toujours les indigènes pour des êtres inférieurs, les écarte et dédaigne d’apprendre leur langage, de comprendre leurs mœurs ; il méprise tout ce qui n’est pas anglais. Si vous avez affaire à un commerçant anglais, force vous est de parler sa langue, il n’en sait pas d’autre : et de là l’extension dans les grands ports d’Extrême-Orient du pidgin english, mélange bâtard d’anglais et de chinois, jargon qui n’est parlé que dans les ports, et dans ceux-ci seulement par les gens qui sont en rapports avec les Européens, compradors, interprètes et boys. Mais dans les ports mêmes, un bon nombre de Chinois l’ignorent, dans l’intérieur personne n’en a connaissance ; enfin si un contrat, si une pièce quelconque doit être rédigée, jamais elle n’est écrite en pidgin. Cette sorte de langue franque est une barrière entre l’Européen et l’indigène ; elle est le retranchement le plus fort de ces interprètes et compradors qu’il faudrait au moins surveiller. Si les Anglais se contentent du pidgin english, nous dont le caractère est moins raide, dont l’oreille est moins rebelle, nous devons tirer avantage de notre souplesse : et comme le petit marchand, l’artisan, l’homme de l’intérieur n’apprendront pas de longtemps, une langue européenne, c’est à nous qui voulons trafiquer avec eux, d’apprendre le chinois.