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EN CHINE

comme dans le Japon féodal, le marchand est un homme de classe inférieure, taillable à merci, vivant à distance respectueuse du ryang-pan ou blotti sous la protection onéreuse du daimyô ; l’état social trouve son expression dans le mode de construction, dans l’aspect de la ville. En Chine, au contraire, loin de se cacher, le commerce s’étale ; quelques pas dans une rue montrent une suite continue de devantures et de comptoirs, et cette place en vue qu’ils occupent aujourd’hui, il semble que les marchands l’aient depuis longtemps ; quelques siècles avant notre ère, le marché où se réunissent et où habitent les commerçants, est, d’après les rites, une partie essentielle de la capitale, au même titre que l’autel des dieux protecteurs, le temple, des ancêtres et le palais du roi : culte, monarchie et commerce étaient dès lors les trois termes où se résumait la vie urbaine. Aujourd’hui, les boutiques se montrent plus que les yamens et que les bonzeries. Elles sont signalées par des enseignes voyantes, il en est d’horizontales au-dessus de la porte, de verticales suspendues aux deux bouts de la devanture ou dressées sur des piédestaux de pierre ; elles sont habituellement en bois, fond rouge ou fond d’or, avec le nom du magasin en grands caractères laqués noirs ; il en est de parlantes, des bottes or et noir pour les bottiers, des ligatures de sapèques pour les banques, des panaches rouges pour les chapeliers. Certaines devantures servent tout entières d’enseignes ; celles des grands magasins de thé sont en bois sculpté, ajouré, une dentelle d’or représentant quelque montagne célèbre où des génies cueillent les pousses parfumées et dégustent aux sons de la musique le délicieux breuvage. Les restaurants ont souvent leur cuisine large ouverte, enseigne odorante et appétissante ; il faut la traverser pour arriver aux salles.