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Mais, je vous peins pour votre siècle, pour des hommes qui vous ont vu, qui vous connaissent; ils voudrons vous trouver ressemblant.

—Ressemblant! ce n’est pas l’exactitude des traits qui fait la ressemblance; ce qu’il faut peindre, c’est le caractère de la physionomie, ce qui l’anime.
—L’un n’empêche pas l’autre.
—Certainement, Alexandre n’a jamais posé devant Apelles. Personne ne s’informe si les portraits des grands hommes sont ressemblans; il suffit que leur génie y vive.
—Vous avez raison. Eh! bien, vous ne poserez pas; je vous peindrai sans cela.[1]

Ce fut alors que David fit ce portrait où il représenta Bonaparte, tel que celui-ci l’avait demandé dans son premier entretien: calme sur un cheval fougueux, gravissant le mont Saint-Bernard. Sur le rocher sont écrits les noms d’Annibal et de Charlemagne: [37]

  1. Non! Bonaparte n’avait pas raison! ses observations sont piquantes, mais elles manquent de justesse. Entre deux portraits d’un homme célèbre, dont l’un aurait été fait d’après nature, et l’autre d’idée, comme le voulait Bonaparte, quel est celui qui inspirerait le plus d’intérêt et de curiosité? Le petit nombre de portraits antiques que nous possédons, et dont l’authenticité ne peut être contestée, sont frappans de cette vérité d’imitation que l’étude de la nature seule, peut donner aux ouvrages d’art; et c’est ce qui nous les rend si précieux. Au reste, il parait que Bonaparte a fini par poser, car M. DENON possédait une fort belle esquisse peinte évidemment d’après nature, par David.