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Aussi naturellement
Que le chaud et la froidure,
Et rien, afin que tout dure,
Ne dure éternellement[1].


Vanité du monde, fragilité de la vie, incertitude du sort, frivolité des hommes, fatalité de la mort : tous ces lieux communs de toutes les littératures sont présentés de la même façon par Sénèque et par son traducteur, que celui-ci écrive en prose ou en vers. « Ô Sénèque, s’écriera un jour Diderot, c’est toi dont le souffle dissipe les fantômes de la vie, c’est toi qui sais inspirer à l’homme le mépris de la fortune, des dignités, de la vie et de la mort[2] ! » Si Du Vair et Malherbe avaient été un peu plus lyriques, ils auraient sans doute trouvé la même prosopopée, le premier pour donner cours aux « humeurs mélancoliques où il semblait qu’il prît plaisir de s’entretenir[3] », le second pour mépriser le monde, car « tout son contentement étoit d’entretenir ses amis particuliers, comme Racan, Colomby, Yvrande et d’autres, du mépris qu’il faisoit de toutes les choses qu’on estime le plus dans le monde… Il avoit aussi un grand mépris pour tous les hommes en général[4] ». Il y a de ces mépris dont l’ex-

  1. Malh., I, 25. Ce n’est là, si l’on veut, qu’un lieu commun qu’il aurait pu, comme Racan, trouver dans Horace (À Torquatus, IV, VII ; Racan, Ode à M. de Termes ; Arnould, Racan, pp. 95, 96 et n. 1), ou chez un autre, ou dans sa propre réflexion ; mais le nombre seul des idées communes au philosophe et au poète rend vraisemblable l’influence de Sénèque sur son traducteur.
  2. Essai sur les règnes de Claude et de Néron, pour servir d’introduction à la traduction de Sénèque par Lagrange. (Diderot, éd. Assézat, t. III, p. 371).
  3. Malh., lettre parlant de Du Vair (III, 251).
  4. Racan, o. c., p. LXXVI. Malherbe écrit lui-même : « J’estime si peu le monde… » (IV, p. 45, lettre du 2 août 1618). Il parlait savamment de philosophie (v. Grente, p. 245).