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vont d’un autre ordre[1] ». C’est l’idée que Malherbe et son ami Du Vair appliquaient à la prise de Marseille : et tandis que le magistrat parlait « des choses mondaines sujettes à un flux continuel de change et de rechange[2] », le poète paraphrasait Sénèque en ces vers :

Les aventures du monde
Vont d’un ordre mutuel,
Comme on voit au bord de l’onde
Un reflux perpétuel[3].

« Ne ferons-nous jamais, disait une autre Épître, que trembler de froid et brûler de chaud ? C’est toujours à refaire : les choses du monde sont enfilées d’une sorte, qu’en s’entre-fuyant elles se suivent[4]… Une entre-suite invariable attache et tire toutes choses[5]. » Et Malherbe, qui dès sa jeunesse, dès les Larmes sur la mort de Geneviève Rouxel, méditait « des ans la course entresuivie[6] », continue, dans l’Ode sur la prise de Marseille :

L’aise et l’ennui de la vie
Ont leur course entre-suivie

  1. Malh., II, 479.
  2. Cité par Brunot, l. l., p. 65.
  3. Malh., I, 24. C’est ce que Ronsard avait dit avec non moins de majesté dans son Discours des misères de ce temps (t. VII, p. 33) :

    Car le bien suit le mal comme l’onde suit l’onde,
    Et rien n’est assuré sans se changer au monde.

    Ces vers étaient entre […] dans les vers de Ronsard : au XVIe siècle, la poésie française avait le tort de ne penser qu’entre parenthèses.

  4. Malh., II, 362.
  5. II, 599.
  6. Larmes, éd. dans Gasté, La jeunesse de Malherbe, p. 38.