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C’est de la main de Dieu que tout ce bien me vient.
Il me donne mes bœufs, il me les entretient :
C’est lui par qui je chante, et lui par qui j’entonne
Dessus mon chalumeau tous les chants que je sonne[1].

Voici une description de l’âge d’or qui fait bonne figure entre les poésies du XVIe siècle et celles de Delille :

Le joug au jeune bœuf n’avoit pressé les cornes,
Il n’étoit point de coutre, il n’étoit point de bornes,
Et la terre pucelle en commun épandoit
Au peuple nonchalant plus qu’il ne demandoit[2].

Il y a de ces bouts de traduction qui font déjà penser à La Fontaine : « Vous trouverez encore à vous couvrir sous un arbre

Qui réserve tardif son ombrage aux neveux[3] ».

Ils font surtout penser à la poésie de Malherbe lui-même, et telle traduction de vers latin pourrait faire partie de n’importe quelle « Consolation » :

Les destins pour prier ne se fléchissent point[4].

Quant à la prose du traducteur, elle a des « périodes » et « du nombre », comme disait Racan[5], et comme le remarquaient les contemporains ; et parfois même il faudrait à peine retoucher la version de certaines phrases latines pour en faire des vers.

  1. Malh., II. p. 96 (De Benef., IV, 6).
  2. Malh., II, 722 (Géorgiques, I, 125-128).
  3. Malh., II, 671.
  4. id., II, 598. Tel vers aussi fait songer à Racan, le disciple de Malherbe :

    Au gré de mes destins mes jours sont achevés (II, 157).


    Tels autres ont une vigueur cornélienne :

    Vierge, cela n’est rien : tu ne m’as annoncé
    Ni travaux ni combats où je n’eusse pensé (II, 594).

  5. Vie de Malh. (Malh., I. p. LXXXVI).