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Malherbe aussi a vécu, ressemblent aux stances du consolateur de Du Périer et du président de Verdun, non seulement par le fond — ce qui n’a rien d’étonnant, — mais même par la forme. Des deux côtés les lieux communs sur la fatalité de la mort, sur la brièveté de la vie, sur le temps et la patience qui guérissent nos maux, sont enveloppés des mêmes comparaisons de la courte vie à la rose flétrie dès le soir, et des mêmes rimes de « la barque « et « la Parque », du « monde » et de « l’onde », des « hommes » et « nous sommes », du « trépas » et « ici-bas » ; le Bouquet fournit même — nous le verrons plus loin — le prélude de la plus célèbre des stances à Du Périer. Malherbe devait réussir en employant, de façon plus discrète, la méthode du paraphraste obscur et de tant d’autres rimeurs.

Il aimait les tragédies de Sénèque[1], où il goûtait apparemment les pensées et dissertations dont il allait se pénétrer en traduisant les œuvres philosophiques. Celles-ci devaient lui être familières depuis longtemps, par les fortes études latines qu’il avait faites, par le commerce du néo-stoïcien Du Vair, par celui de tous les lettrés du temps. On ignore la date à laquelle il traduisit le commencement des Questions naturelles, une grande partie du Traité des Bienfaits, et la plupart des Épitres à Lucilius[2]. Le silence de ses lettres (conservées pour les dernières années) et de ses disciples sur ce point permet de douter que les traductions datent exclusivement de la dernière partie de sa vie, comme le feraient croire la

  1. Racan (l. c., p. LXX). — Nous laissons naturellement de côté l’influence de Sénèque sur l’art dramatique ; l’étude de cette question a été entreprise par M. Karl Bœhm (Münchener Beiträge zur rom. u. eng. Philol., XXIX).
  2. Malherbe, éd. Lalanne, t. I, p. 467 sqq., et t. II en entier.