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peut-être pas ce qu’il est, l’introducteur de la raison raisonnante en poésie. Il avait eu à cet égard un vague devancier en Alain Chartier, et ce « très noble orateur » s’était déjà mis à l’école de Sénèque ; Montchrestien encore fait de même, surtout dans les chœurs de ses tragédies ; et en 1590, on ne sait quel « Caton de Basse-Normandie » faisait imprimer à Caen un Bouquet des fleurs de Sénèque[1] comprenant huit odes à sujets philosophiques extraits des œuvres du philosophe latin. L’auteur inconnu (dans lequel on a voulu, à tort, voir Malherbe lui-même[2]) écrit avec les images des poètes du temps ; et il est curieux de voir combien ses « odes », adressées à des magistrats et à des avocats au milieu desquels

    1725), à l’article : Malherbe (t. IV, p. 195) : « On peut dire aussi qu’on lui trouve l’esprit de Sénèque en divers endroits ; il l’avoit beaucoup étudié et traduit même en notre Langue, c’est ce qui lui avoit rendu ses sentimens plus familiers, et qui a contribué beaucoup sans doute à rendre sa Poësie si touchante, si animée et si consolante lorsqu’il parle de la mort ou des adversités de la vie ».

  1. Réédité dans De La Rue, Essais historiques sur les Bardes les Jongleurs et les Trouvères normands et anglo normands, t. III, fin.
  2. J’ai déjà présenté ces observations dans un article du Musée Belge (1903) sur l’influence de Sénèque le Philosophe ; M. Stemplinger, rendant compte de mon étude — avec une extrême bienveillance, du reste — dans la Zeitschrift für französische Sprache und Litteratur (1904), estime que je n’ai pas prouvé l’impossibilité d’attribuer le Bouquet à Malherbe : c’est qu’en effet cette impossibilité me paraît établie dans l’édition Lalanne, et est, depuis M. Lalanne, généralement admise. Comme on l’a observé, Malherbe n’aurait pu écrire en 1590 les vers du Bouquet :

    Si mes parents sont morts…

    Au reste, les fausses attributions du brave abbé De la Rue sont légion.