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« depuis qu’il est françois[1] », et en 1635 un traducteur de Gusman d’Alfarache dit encore : « De toutes les versions dont notre âge regrattier fourmille, le Plutarque seul a valu son original[2] ». Aussi Malherbe se souvient-il de la Vie de Thémistocle[3] : « Mon avis étoit qu’il falloit éplucher un homme en sa vie et non pas en son origine, et qu’autant valoit-il avoir son extraction de Sériphe que d’Athènes[4] ». Mais de pareils détails ne permettent pas de supposer que la poésie de Malherbe doive quelque chose aux Grecs. Si les vers :

Tout le plaisir des jours est en leur matinée,
La nuit est déjà proche à qui passe midi,


faisaient songer Sainte-Beuve « à tant de vers d’Homère sur la splendeur de l’aurore, sur le jour sacré[5] », c’est que Sainte-Beuve connaissait la poésie homérique et la goûtait avec un sens que Malherbe n’a jamais eu : et s’il fallait chercher une source à ces vers, il faudrait la voir chez les Latins et les Italiens, ou même chez les Français, plutôt que dans la poésie grecque. Celle-ci ne disait rien à Malherbe : les écarts du lyrisme ne lui permettaient pas de régler ses vers sur ceux de Pindare. On a souvent cité le jugement d’André Chénier sur l’Ode à Marie de Médicis : « Cette ode est un peu froide et vide de choses… Au lieu de cet insupportable amas de fastidieuse galanterie dont il assassine cette pauvre reine, un poète fécond et véritablement lyrique, en

  1. Montaigne, Essais. II, 10.
  2. Trad. de Gusman d’Alfarache, avec Avertissement (par Chapelain ?), Rouen 1633.
  3. Plutarque, Vie de Thémistocle, chap. XVIII.
  4. Malh, IV, 74.
  5. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, 13, p. 411 et note.