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même capable de faire un bon thème grec. Parlant de son beau-frère Châteauneuf à son savant ami Peiresc, il écrit : « Je vous mandai dernièrement que, si j’avois un chiffre, je vous écrirois avec plus de liberté ; autrement, il n’y a point d’apparence de le faire. Tout ce que je puis vous dire, c’est que l’homme οἶος έβίωσεν, τοίος άπ… ήσει μετανοίας έλπίς ούδεμία, καί έπανορθώσεως ούδέν τεκμήριον[1] » ; ce qui prouve aussi que le grec pouvait encore servir de cryptographie en cette docte année 1613. Malherbe, comme un homme du XVIe siècle, aime à parler grec — et aussi latin, ou italien, ou espagnol — : « cela est mis, à cette heure, inter ἀδιάφορα[2] », dit-il précieusement. Il connaissait assez ses auteurs pour reconnaître dans Desportes un passage pris du grec[3], et il cite volontiers une sentence d’Hésiode : il écrit — toujours à Peiresc, dont il se pourrait que l’érudition eût été contagieuse — : « Pour cet air provençal que vous m’avez envoyé, je l’ai fait voir à Guedron (un compositeur), qui le trouve du tout impertinent ; je ne sais si c’est qu’à la vérité il le soit, ou qu’il vérifie

Καὶ πτωχὸς φθονέει πτωχῷ, καὶ ἀοιδὸς ἀοιδῷ[4] ».

L’année suivante, Malherbe dit de deux médecins qui « ont toujours été mal ensemble » : « Hésiode pouvoit dire καὶ ἰατρὸς ἰατρῷ aussi bien que ἀοιδὸς ἀοιδῷ[5] ». La pompeuse Lettre à M. de Mentin exalte Richelieu à grand renfort de citations : « les affaires publiques sont en si

  1. Malh., III, 313.
  2. III, 454.
  3. IV, 455.
  4. III, 351 (lettre de 1613). Le texte d’Hésiode portait : πτωχῷ φθονέει.
  5. III, 432.