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ficie, et ne passent point plus avant[1] ». Pindare avait donc le tort de n’avoir pas mis des pointes comme il en fallait aux sonnets faits pour le Louvre au début du XVIIe siècle, et Malherbe est déjà de la race de ceux qui reprocheront à Homère de n’avoir pas appris les belles manières à la cour de Versailles. De plus, tout ce qu’il avait lu et traduit de Sénèque contre le « parti des Grecs[2] » et les fictions d’Hésiode était bien fait pour le détourner d’une poésie si peu conforme à son tempérament.

Ce n’est pas à dire que Malherbe ne sût pas le grec, comme on l’a parfois prétendu. Il avait passé trop d’années dans les écoles du XVIe siècle, pour pouvoir l’ignorer[3]. Il connaît, d’abord, les noms grecs des figures de rhétorique, et il s’en souvient, avec, déjà, l’esprit de Molière : sous le vers de Desportes :

D’un tel bruit vint frapper ton âme et ton oreille


il note : « Quelque pédant trouvera ici d’une figure ὕστερον πρότερον ; pour moi, j’y trouve une sottise[4] ». Il traduit les mots grecs cités par Sénèque[5], et il était

  1. Malh., II, 9 (trad. du Traité des Bienfaits, I, 4).
  2. Malh., II, 8 (De Benef., I, 3).
  3. Sur les écoles de Caen, où Malherbe fut le condisciple de Bertaut, voir G. Grente, Jean Bertaut, pp. 5-10. — L’assertion que Malherbe ne savait pas le grec se trouve encore répétée par M. Emm. des Essarts (rendant compte du Rapport sur la poésie française depuis 1867 par Catulle Mendès) dans le Journal des Débats, 7 novembre 1903. — Par contre M. Souriau (Évolution du vers français au XVIIe siècle) dit que Malherbe était helléniste.
  4. Commentaire (Malh., IV, 396). De même IV, 434. Il emploie aussi ἀπὸ κοινοῦ (IV, 396).
  5. Ainsi Malh., II, 303 et 304.