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Dans l’histoire de l’influence biblique en France, l’œuvre de Malherbe, sauf un trait, n’est donc qu’une phase quelconque de cette habitude classique qui se continue jusqu’à Lefranc de Pompignan, et qui aligne des paraphrases généralement correctes, parfois éloquentes, souvent froides et dépourvues d’enthousiasme[1]. Ce fut là un malentendu comparable au pindarisme. La poésie lyrique n’est pas de ces productions qui se transposent d’un pays ou d’un temps à un autre : elle est l’expression spontanée du sentiment intérieur ; elle peut bien s’inspirer des événements du passé et de la poésie biblique : mais ce ne sera plus en copiant les psaumes qu’elle se manifestera ; ce sera en racontant un fait tragique comme dans la Conscience ou en exprimant les sentiments personnels d’un cœur mystique comme Lamartine. Quant au classicisme français lui-même, c’est sous la forme dramatique qu’il traduira en poésie l’influence de la Bible. Et ici il donnera, comme dans l’éloquence de la chaire, le meilleur de lui-même. Chez les Grecs, le drame avait été un fragment de la tradition épique mis à la scène. En France, rien ne se prêtait mieux que l’antiquité biblique à jouer le rôle qu’avait eu en Grèce la légende homérique : aussi est-ce en lui demandant Athalie que Racine a créé le chef-d’œuvre de la tragédie française.

  1. Renan croyait qu’il y avait à ces entreprises un obstacle inhérent à la différence des poésies sémitique et française : « Le rythme de la poésie sémitique consistant uniquement dans la coupe symétrique des membres de phrase, il m’a toujours semblé que la vraie manière de traduire les œuvres poétiques des Hébreux était de conserver ce parallélisme que nos procédés de versification fondés sur la rime, la quantité, le nombre rigoureux des syllabes défigurent entièrement » (E. Renan, Préface de Job).