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paraphrase par la princesse de Conti ; amusée, apparemment, par les vers véhéments et hautains, elle dit : « Malherbe, approchez-vous », puis, tout bas à l’oreille de son poète : « Prenez un casque ». Et lui de répondre : « Je me promets que vous me ferez mettre en la capitulation ». Elle se mit à rire et dit qu’elle le ferait[1] : Malherbe avait l’esprit de repartie plus qu’il n’avait le génie biblique. Il ne se souciait pas d’ailleurs de rendre ce génie : quand on lit ses paraphrases de psaumes sur la guerre des princes, on lui marque les endroits où il n’a pas bien suivi le sens de David : « Je ne m’arreste pas à cela, répond-il ; j’ay bien fait parler le bonhomme David autrement qu’il n’avoit fait[2] ».

Cependant les sentiments religieux, sans doute avec l’âge, prenaient en lui quelque place, et en 1620 il publie les Stances spirituelles, qui chantent la louange du Créateur sans que celle-ci paraisse avoir été l’objet d’une commande. Il déduit en vers corrects et laborieux les mérites de Celui dont l’esprit « se conserve éternellement ».

Il devait s’élever plus haut en s’inspirant des psaumes. Il avait, comme tous les hommes, des moments de tristesse et même de découragement, et sans exprimer sa

  1. Malh., I, 419.
  2. Arnould, Anecdotes inédites sur Malherbe, p. 43 ; id., Racan, p. 162 ; cf. Tallemant des Réaux, Historiettes, 3e éd. (de Monmerqué et P. Paris) t. I, p. 287. Malherbe répondait ainsi à l’avance aux reproches que Balzac adressera à ses contemporains : « Ô rhétoriciens… qui faites des paraphrases…, qui vous a dit que les prophètes et les apôtres soient de votre humeur ?… Ne pensez pas leur faire plaisir, de leur prêter si libéralement, et sans qu’ils en aient besoin, vos épithètes et vos métaphores… » (Balzac, Socrate chrétien, Discours septième.)